BFM – Entretien avec Jean-Luc Mano

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RadioActu : Dans quelles circonstances êtes-vous arrivé à la tête de BFM et quelles sont les raisons qui vous ont poussé à accepter de prendre la direction de la station ?
Jean-Luc Mano: Je venais de quitter France Soir, donc j’étais relativement libre et j’avais quelques hypothèses de travail. Ce qui m’a fait accepter, c’est que BFM est une belle marque, qu’il y avait un vrai challenge de développement et c’est Jacques Abergel, fondateur de la radio qui me l’a proposé. C’est quelqu’un pour qui j’ai du respect et de l’estime et j’avais alors la possibilité de développer quelque chose tout en constituant une équipe.

RA : En février 2001, votre arrivée a été précédée par un mouvement de grève, le climat était un peu tendu, comment cela s’est il passé ?
JLM : C’était une sorte de solde de tout compte avec l’ancienne direction. Il y avait des problèmes de niveau de rémunération pour un certain nombre de salariés. Nous avons réglé ces problèmes par des augmentations de salaires pour une quinzaine de personnes, et qui concernaient clairement les salaires les plus bas.

RA : D’une façon générale, dans quel état avez-vous trouvé la station ?
JLM : Comme je m’y attendais, j’ai trouvé une jolie marque, une radio appréciée à l’extérieur. A l’intérieur, le climat social était plus dégradé que je ne l’imaginais, avec une difficulté pour cette radio de comprendre que le compte d’exploitation devait être en relation avec le chiffre d’affaires. BFM sortait d’une année 2000 sublime sur le plan publicitaire et n’a sans doute pas bien vu que l’on pouvait faire de cette année publicitaire sublime un projet de développement pour 2001. Ce n’est pas parce que l’on fait du 100% d’une année sur l’autre que l’on fera sur 100% l’année suivante. Or c’était l’idée que tout le monde avaitUn accord déraisonnable sur les 35 heures dans la maison, ce qui avait amené à des mesures sociales justifiées et un accord complètement déraisonnable sur les 35 heures. C’est-à-dire qu’en plus des vacances légales de 5 à 6 semaines, 29 jours ouvrables de RTT. Le niveau de la masse salariale a alors augmenté de 25%. Cette radio le paie aujourd’hui sur le plan financier puisque nous sommes faces à une année 2001 qui est déplorable sur le plan publicitaire.

RA : Ce qui veut dire que l’équipe qui était alors en place n’a pas su capitaliser ses acquis de l’année 2000 ?
JLM : Capitaliser est un bien grand mot. Ce que je dis, c’est que quand on est à la fin 2000, on a certes un résultat exceptionnel en publicité, mais malgré tout la maison perd quand même de l’argent pour la neuvième année consécutive. Certes, on ne perd que 10 millions de francs contre 30 l’année d’avant. Je ne suis pas certain que l’application de 29 jours de congés supplémentaires soit une bonne chose. D’avoir un système qui aggrave la masse salariale de 25% n’est pas le plus astucieux dans la conjoncture actuelle. Sans jouer les Cassandre, le fait que les recettes publicitaires aient été mauvaises montre les difficultés financières de la station.

RA : Du point de vue des programmes, quelles ont été vos priorités ?
JLM : J’ai d’abord voulu la priorité absolue au direct. Je suis passé d’une antenne qui était en direct à 30% à une antenne qui est aujourd’hui à 70% en direct. Nous avons complètement inversé la tendance. Il y a un donc un changement de tonalité important de la radio. Un changement de tonalité importantBFM était au départ une radio qui faisait beaucoup d’économie et puis un peu d’autre chose, sans vraiment le dire. Notre objectif était d’abord d’aller vers une radio d’information continue haut de gamme et ayant des incursions notables sur des terrains où elle n’allait pas jusqu’à maintenant, sans diminuer pour autant sa pertinence sur l’économie. Quand je suis arrivé, le volume de programmes économiques était de 37%. Aujourd’hui, il y en a 35%. Si on veut faire une radio haut de gamme, il faut faire de l’économie car c’est quand même la clé d’explication majeure de l’évolution des sociétés.

RA : C’est aussi le public historique de BFM ?
JLM : Oui, mais le public change. Ma conviction est que le public historique s’est agrégé par de l’économie mais aussi par du contenu sur l’information. Le type qui joue en bourse ou qui est cadre supérieur n’est pas monomaniaque. Il ne pense pas à la bourse toute la journée ou au cours du Dollar. Il a aussi besoin qu’on lui donne de l’info sur autre chose. Je pense que notre performance sur le reste de l’info fait de BFM non pas une radio de complément, mais une radio qui peut être auto-suffisante. D’ailleurs, dans les derniers chiffres, nous avons gagné fortement en durée d’écoute. Nous n’avons pas tout gagné, mais de ce point de vue là, cela correspondait à l’objectif que nous nous étions fixé. L’idée est de donner à des gens qui aiment l’info et qui ont envie de comprendre des éléments « haut de gamme » – ceci dit sans prétention – qu’ils ne trouveraient pas sur des médias plus populaires. Je ne suis pas un spécialiste de l’économie, mais autant il y a vingt ans tout se jouait sur la politique, autant aujourd’hui tout se joue sur l’économie.

RA : L’idée était donc d’opérer une mutation de BFM sans perdre les CSP + ?
JLM : Oui, tout en élargissant l’audience. Fatalement, nous allons avoir une petite déperdition de CSP +, ce qui est tout à fait logique, mais nous allons arriver à intéresser des couches moyennes et du public étudiant.

RA : La structure actuelle de l’audience de BFM vous paraît elle satisfaisante ?
JLM : Dans les derniers chiffres, la structure de l’audience est composée de CSP + à plus de 60% et massivement sur les 25-40 ans. Notre audience se féminise aussi, ce qui prouve qu’on a un programme qui est un peut être un peu moins chiant pour les femmes !

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