Brigitte Lahaie – « Ne soyons pas faux-culs : ça fait plaisir de savoir qu’on a de plus en plus d’auditeurs »

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Vous venez d’entamer la 13e année de « Lahaie, l’amour et vous » sur RMC. Au démarrage de l’émission, en 2001, aviez-vous pensé à une longévité aussi importante ?
Brigitte Lahaie : Non, je n’avais pas imaginé cela. Treize ans, c’est beaucoup, en radio comme en télé. En 2001, j’avais tout de même la certitude que l’émission serait un succès ; j’étais sûre que cela aller aider à mon image. J’ai toujours assumé mon passé, je ne souhaite pas l’effacer, mais l’émission a participé à me donner une image moins sulfureuse.

Pourquoi évoquer votre image ?
Brigitte Lahaie : Je ne me pose pas en victime, mais j’ai quand même souffert de l’opprobre de la société. Cela n’a pas toujours été simple à vivre : les remarques désobligeantes, les critiques, les gens qui refusent de vous serrer la main parce que vous êtes le diable… Je pense que l’on comprend mieux mon combat quand je dis ce genre de choses.

En 2001, aviez-vous pour but de démocratiser la parole concernant le sexe, plutôt absente des médias français ?
Brigitte Lahaie : C’était clair pour RMC : nous parlions de sexualité, pas de choses à demi mots. RMC avait une vision plutôt médicale de la sexualité, mais j’ai eu carte blanche assez rapidement. J’ai donné mon ton et cela a fonctionné.

Est-ce que la relation que vous entretenez avec vos auditeurs a évolué durant ces douze années ?
Brigitte Lahaie : Cette relation a énormément évolué. Au début, certaines personnes ne me connaissaient pas ; d’autres me découvraient sous un autre angle. J’ai rapidement remarqué que beaucoup de gens avaient du mal à prononcer certains mots, comme « cunni » et « fellation ». Du coup j’ai senti que je devais les prononcer à leur place, car ces mots ne sortaient pas de leur bouche. Aujourd’hui, les gens parlent de sexualité comme on parlerait de cuisine. Le ton s’est installé. Personnellement, je choisis toujours des mots assez « soft », j’ai beaucoup de mal à dire les gros mots en matière de sexualité. Je dirai donc que le ton est assez « classe », mais il n’y a pas de tabous. Pour leur part, les sexothérapeutes qui m’entourent rentrent tout de suite dans le vif du sujet, ce qui n’est pas forcément le cas quand on va consulter un thérapeute en cabinet. Dans l’émission, il y a donc une sorte de confiance, de magie, qui s’est installée. Pas besoin de garder les auditeurs très longtemps : on parle de choses vraies et intimes immédiatement.

Quel est le souvenir le plus fort que vous conservez de votre émission jusqu’ici ?
Brigitte Lahaie : Beaucoup de choses m’ont marquée. Je garde ce souvenir : un auditeur avait découvert RMC grâce au foot ; il est tombé ensuite par hasard sur mon émission. A cette occasion, il s’est rendu compte qu’il n’était pas normal de battre sa femme. Il donc allé consulter un médecin et m’a appelée pour me remercier, car il ne battait plus sa femme. Il était heureux. Cela illustre le fait qu’on croit souvent que tout est dit dans la société, mais en réalité, il est nécessaire de répéter sans cesse certaines choses.

Avez-vous de nouvelles idées à apporter à votre émission ?
Brigitte Lahaie : J’essaie d’apporter un peu plus de bien-être, de notions de rapport au corps, à soi, pour que les gens se sentent mieux. Nous sommes dans une société judéo-chrétienne où le corps et la compréhension de son fonctionnement sont très éloignés… Je pense que l’on devrait s’approcher un peu plus de la nature.

Vous avez grandi vous aussi dans cette société judéo-chrétienne. Comment avez-vous « gagné » personnellement ce rapport au corps et à la nature ?
Brigitte Lahaie : Oui, j’avais le Christ au dessus de la porte de ma chambre ! J’ai bientôt 60 ans. Tout cela est un véritable parcours de vie. Beaucoup de choses m’ont nourrie. Pas seulement la sexualité, mais aussi la psychanalyse. Il y aussi une dimension spirituelle : je fais de la méditation régulièrement, je suis capable de rester seule trois jours sans me sentir mal… On acquiert une force intérieure quand on y travaille. Cela m’a aidée à traverser tout ce que j’ai dû traverser.

Faites-vous partie du « mercato » chaque année ? Recevez-vous des propositions de stations concurrentes ?
Brigitte Lahaie : Absolument pas. J’ai reçu pas mal de propositions de chaînes de télé, ce qui n’est pas le cas pour la radio. Tant mieux d’ailleurs ! Je suis vraiment très bien sur RMC. Je pense que mon émission est trop sulfureuse pour les autres radios !

Vous intéressez-vous aux programmes diffusés en même temps que le votre. Je pense notamment aux émissions d’Héléna Morna sur Europe 1 ou de Flavie Flament et Jacques Pradel sur RTL ?
Brigitte Lahaie : Sincèrement, je n’écoute pas du tout la concurrence, ni les émissions de sexe qui passent sur les radios jeunes le soir. C’est peut-être ma force : j’avance avec moi-même, en fonction de moi. Je fais de la compétition équestre : quand je rentre en piste, je pense à mon cheval et moi, je ne regarde pas les concurrents. C’est de cette façon que l’on est toujours en accord avec soi-même. Si l’on écoute les autres, on peut être tenté de copier, de critiquer et s’enfoncer dans des schémas qui ne sont pas les bons.

En 2012, vous avez commenté les épreuves d’équitation aux Jeux olympiques. En matière d’animation ou de présentation, avez-vous des techniques ? Des choses que les animateurs apprennent ?
Brigitte Lahaie : Non je n’ai pas pris de cours de radio. En revanche j’ai travaillé ma voix. Quand j’ai arrêté le porno j’avais une voix un peu haut perchée, c’était dramatique. J’ai donc beaucoup travaillé ma voix. Par ailleurs je ne sais parler que de ce que j’aime et de ce que je connais. Comme je connais très bien la sexualité et les chevaux, je sais en parler… Si on me demandait d’animer une émission télé ou radio sur un sujet lambda, j’en serais probablement incapable.

RMC a réalisé un résultat honorable lors de la dernière vague de sondages Médiamétrie : 8% d’audience cumulée sur la vague avril-juin 2013. Quel regard portez-vous sur les sondages ? Les regardez-vous de près ?
Brigitte Lahaie : Bien sûr ! Nous ne sommes pas sur une radio philanthrope : le jour où mon émission ne marchera plus, elle s’arrêtera. Aujourd’hui, si la radio fonctionne et que mon émission marche, je peux continuer, je suis libre. Les sondages sont donc essentiels. Ne soyons pas faux-culs : ça fait plaisir de savoir qu’on a de plus en plus d’auditeurs, d’autant plus que le combat n’est pas simple : il faut les prendre aux autres radios. Personnellement je n’ai pas pris l’initiative de regarder les sondages de près : je l’ai fait avec Frank Lanoux (le directeur général de RMC, ndlr). Je sais par exemple qu’il faut plus parler aux hommes qu’aux femmes, du fait que mon auditoire est davantage masculin.

Cet été, dans un « Entretien Radioactu », Frank Lanoux précisait que votre émission était au « top de sa performance ». Pouvez-vous aller plus loin ?
Brigitte Lahaie : Bien sûr, mais je ne me fais pas d’illusion par ailleurs : cela a tellement cartonné au dernier sondage que l’on connaîtra peut-être des sondages à la baisse. Il faut toujours regarder les chiffres sur au moins deux ans pour comprendre si cela monte ou descend.

Durant votre carrière, vous avez eu l’occasion de faire de la télévision, notamment sur la chaîne XXL. Avez-vous une préférence ? Télé ou radio ?
Brigitte Lahaie : Je suis très très heureuse en radio. Les échanges de voix à voix sont très profonds, ce qui n’est pas la même chose à la télévision. J’aime vraiment la radio. Dans les années 90, j’avais déjà fait un peu de radio grâce à Yves Mourousi, à l’époque sur Radio Monte-Carlo. J’intervenais brièvement dans une émission qui s’appelait « Sacrément beau ». Yves devait me proposer une émission à animer seul, mais il a été viré. Ce sont des choses qui arrivent dans la vie. Quelques années plus tard, RMC m’appelait : j’ai trouvé ça drôle. Concernant la télé, j’ai un rapport à mon image qui est de plus en plus compliqué. J’ai fait énormément de photos de charme, j’ai posé pour des photographes, j’adorais ça. Aujourd’hui ça m’ennuie ! J’ai été au bout du bout.

Vous fêterez vos 58 ans le 12 octobre. Militez-vous pour la retraite à 60 ans, 62, 65 ? Pas de retraite ?
Brigitte Lahaie : Ce sujet m’attriste beaucoup. Je suis triste d’entendre des jeunes de moins de 40 ans qui pensent déjà à la retraite. Je crois que la vie, c’est le mouvement. On devrait redonner du sens au travail et cesser de ne penser qu’à l’argent. Je fais souvent cette comparaison avec la prostitution : dans notre société, on devrait remettre l’argent et le sexe à leur vraie place. Cela montre bien que les gens manquent de sens et d’humanité.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Brigitte Lahaie : Pas du tout. Je dis ce que je veux pendant deux heures tous les jours, ça me suffit !

Cliquez ici pour lire la deuxième partie de l’entretien avec Brigitte Lahaie, concernant le lancement de sa pétition contre le projet de loi sur la pénalisation des clients des prostituées.


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