Ciel AM – Entretien avec Franck Sadia, Michel Bassi et Marc Scalia

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RadioActu : Revenons sur les débuts de Ciel AM. Qu’est-ce qui vous a poussé à créer une radio en ondes moyennes, une bande de fréquences quasiment tombée en désuétude ?
Franck Sadia : Nous sommes partis du constat que la pénurie de fréquences en FM nous obligeait à renoncer au projet de radio que nous avions. A l’occasion de nombreux dépalcements au Canada, en 1998-99, j’ai vu que l’AM était totalement dans les moeurs et était quasiment autant écoutée que la FM. La différence est que la bande passante est plus importante et que l’AM est en stéréo. Donc le son est tout à fait correct en terme de qualité, il faut vraiment tendre l’oreille pour se rendre compte de la différence avec la FM.

RA : Comment expliquez-vous ce succès de l’AM aux Etats-Unis et au Canada ?
FS : Il n’y a pas le même parcours historique de la radio. En France, il y avait un monopole qui n’existait pas aux Etats-Unis. Chez nous, seules les radios de service public étaient autorisées à utiliser l’AM en général, d’où l’apparition de radios périphériques qui ont expatrié leurs émetteurs pour couvrir le territoire français. Aux Etats-Unis, les radios privées en AM existent depuis les années 50 et ne se sont jamais arrêtées. Il y a donc une vraie légitimité historique pour l’AM aux Etats-Unis. Cette légitimité n’existe pas en France car les pouvoirs publics n’ont pas laissé ce type d’ondes à la portée des opérateurs. L’arrivée de la FM, plus simple en terme de diffusion et meilleure en terme de qualité a fait que les quelques pauvres radios du service public en grandes ondes ont vu progressivement leur audience migrer de l’AM vers la FM. C’est la raison pour laquelle les radios publiques qui diffusent en AM ont toutes une déclinaison FM. Le mouvement engendré par l’éclosion des radios libres a aboutit à la disparition de l’AM.

RA : Quelles difficultés avez-vous rencontré d’un point de vue technique et administratif, notamment avec le CSA ?
FS : La première lettre que nous avons adressé au CSA en demandant l’attribution d’une fréquence en ondes moyennes date d’octobre 1998. En réponse, le CSA nous a répondu qu’une réflexion était en cours au CSA. C’était très vague.

RA : D’autant que le monopole était levé en 1981 à la fois sur la FM, mais aussi sur l’AM ?
FS : Effectivement. D’où la révolution que nous avons connue sur la FM avec une farouche envie de faire autre chose que ce qui existait à l’époque. Cet engouement a fait que l’AM a été délaissée. L’AM était inattaquable depuis la seconde guerre mondiale lorsque les radios AM se sont arrêtées faute de moyens ou ont été détruites et que l’Etat a imposé un monopole. On ne comprenait pas pourquoi en France on ne voulait pas toucher à l’AM. A force de persévérance, de coups de téléphone hebdomadaires, de courriers, j’ai été reçu par Jacqueline de Guillenchmidt qui a écouté attentivement mon discours, qu’elle a trouvé digne d’intérêt. La preuve : nous avons aboutit à une diffusion expérimentale en ondes moyennes du programme Ciel AM.

RA : Quel bilan tirez-vous de cette expérience ?
FS : Cette expérience a été très courte mais riche d’enseignements, parce qu’on ne peut pas installer une marque en 9 mois. Nous avons été très surpris de voir que, durant le mois 3 et le mois 6 nous avons été mesurés par Médiamétrie et nous avons étéNous avons été crédités d’une notoriété de 1.9 points crédités d’une notoriété de 1.9 point, c’est-à-dire que 167 000 personnes déclaraient connaître Ciel AM. Médiamétrie estimait que nous ferions seulement entre 0.2 et 0.5. La notoriété est donc un bon début. Sur le plan commercial, Ciel AM a réalisé un chiffre d’affaires de l’ordre de 500 000 francs, ce qui est surprenant car nous sommes allés chercher les auditeurs un à un. On peut supposer, avec notre notoriété, que nous avions plusieurs milliers d’auditeurs quotidiens. Le vrai baromètre était le nombre d’appels que nous recevions au standard, qui a été multiplié par 10 entre le début et la fin de nos émissions.

RA : De façon générale, Ciel AM est positionnée sur un format « judéo-soft ». En supposant que la station se voit attribuer une fréquence définitive, allez-vous conserver ce positionnement ?
FS : Nous allons travailler sur le même coeur de cible, mais nous ne sommes pas une radio communautaire et nous ne souhaitons pas être assimilés comme tel. Nos concurrents voudront nous cantonner à ce rôle, mais nous sommes une radio commerciale à part entière, avec un vrai souci de conquête d’audience et une totale indépendance par rapport à un quelconque mouvement politique ou idéologique. Nous nous définissons comme une radio généraliste avec une sensibilité juive qui se manifeste à travers la programmation musicale, à hauteur de 40%, et à travers des magazines qui intéressent notre cible. Par contre, nous sommes une radio totalement ouverte. J’en veux pour preuve l’arrivée de Michel Bassi qui n’est pas de confession israélite. Il est venu renforcer cet esprit d’ouverture de Ciel AM et nous entendons la positionner comme une radio professionnelle, commerciale et ouverte au plus grand nombre. Il est insensé de dire que l’on va se cantonner à une communauté lorsque l’on vient sur les ondes moyennes.

RA : Vous êtes un professionnel reconnu des médias, et vous avez notamment dirigé RMC pendant 3 ans, une radio que l’on appelait « périphérique » à l’époque. Ces radios ont regardé avec sceptisisme l’arrivée des radios libres. Avec du recul, comment expliquez-vous aujourd’hui le regain d’intérêt pour l’AM ?
Michel Bassi : Lorsque j’étais à RMC, j’avais très vite aperçu l’intérêt que représentait la FM, puisque j’avais créé RMC Côte d’Azur et RMC Musique qui était l’ancêtre de Radio Classique, et RMC Rock. Utilisant le fait que étant « exterritorialisé », je pouvais émettre sans enfreindre le monopole sur la radiodiffusion de l’Etat français. Il y a eu ensuite l’explosion des radios libres en 1981, et cette folie qui a emporté la France entière a surtout été une mode, mais aussi la possibilité donnée à plein de petits opérateurs de diffuser un programme. Il y a eu un écrémage et beaucoup se sont cassé la figure. NRJ s’est développée en enfreignant la loi républicaine puisqu’il était interdit de constituer un réseau national. Il reste cependant encore des auditeurs sur les grandes ondes. Par exemple, 40% des auditeurs écoutent encore RMC en grandes ondes. Mais la majeure partie de l’audience s’est reportée sur la FM, ce qui a conduit à l’abandon progressif de l’AM. Aujourd’hui, face à la saturation de la FM, l’AM reste la seule alternative si l’on veut continuer à développer la radio en France et offrir la possibilité aux gens de s’exprimer. Il n’y en a qu’en France que l’AM est abandonnée, alors qu’ailleurs ce n’est pas le cas. La redécouverte de l’AM est largement dûe à l’expérience de Ciel AM qui a joué un rôle de défricheur de cette longueur d’onde, même si Radio Bleue avait construit son audience sur les ondes moyennes. Plus de 8 récepteurs sur 10 peuvent recevoir les ondes moyennes.

RA : Quel regard portez-vous sur des opérateurs aujourd’hui candidats à l’attribution d’une fréquence AM, alors qu’ils auraient pu manifester leur intérêt bien avant l’expérience de Ciel AM ?
MB : Ce qui me paraît clair, c’est que si Ciel AM n’avait pas eu cette volonté d’ouvrir la voie, il n’est pas sûr du tout que cette voie aurait été ouverte un jour. Il est normal aujourd’hui que d’autres s’engouffrent sur ce chemin. Je suis tombé par hasard un jour sur Ciel AM et j’ai entendu une radio qui sonnait comme une radio professionnelle, avec un vrai format et une vraie qualité, et c’est ça qui m’a intéressé. Je suis entouré par des jeunes gens qui ont vraiment du talent et je me retrouve quand j’avais leur âge ! Je suis convaincu que s’il n’y a avait pas eu Ciel AM il n’y aurait pas eu d’ouverture de l’AM.

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