CNRA – Entretien avec Franck Jehl

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RadioActu : Le Congrès National des Radios Associatives sera placé sous le signe des difficultés qui pèsent sur le secteur de la radio associative. Quelles sont ces menaces ?
Franck Jehl : D’une part , on touche à nos fréquences. Dans les appels à candidatures, il n’y a pas du tout de prise en compte des dossiers. Nos radios sont souvent mises à l’écart. On touche aussi au porte-monnaie des radios puisque le FSER est extrêmement fragile. Nous en connaîtrons le devenir bientôt. Les radios associatives emploient plus de 2 000 personnes, et ces emplois sont pour la plupart des emplois aidés car nous sommes des radios du secteur social. Avec la fin des dispositifs emplois jeunes CES et CEC, c’est très mal parti. On peut vraiment se poser la question : qui veut la mort des radios associatives ? Depuis quelques mois, lors des derniers appels à candidatures, on constate systématiquement qu’il y a une priorité au secteur marchand.

RA : C’est un constat qui est paradoxal, alors que le président du CSA, Dominique Baudis, s’est toujours posé en défenseur des radios associatives. Pensez-vous qu’il y ait un décalage entre le discours et les actes ?
F.J. : Je pense que sur le fond, Dominique Baudis est conscient que les radios associatives jouent un rôle social dans le paysage radiophonique français. D’un autre côté, certaines choses nous laissent penser que le CSA n’est pas seul à décider à ce niveau là et qu’il y a véritablement une priorité au secteur marchand. On le voit dans la Loi sur les communications électroniques. On parle de faire attention de ne pas déstabiliser le marché, mais à aucun moment on ne parle de répondre à une demande sociale.

RA : Que préconise le CNRA face à ces menaces ?
F.J. : Les radios associatives existent depuis 20 ans mais subissent des attaques multiples. Au niveau du disque, le SNEP a accepté de distribuer les disques et d’intégrer la demande des radios associatives dans le marché de la distribution, et aujourd’hui, il veut faire marche arrière. Nous nous réunissons en Congrès pour justement tenter d’identifier et de donner des réponses.

RA : Face aux menaces qui pèsent sur les salariés des radios associatives, quelles solutions peuvent être envisagées pour pérenniser ces emplois ?
F.J. : Soit on dit que les associatives doivent répondre à une mission sociale, mais maintenant, cette mission sociale on l’oublie on nous dit de faire du fric et de vendre notre pub, et à ce moment là on peut sortir du dispositif des emplois aidés. Mais si on nous demande de respecter notre mission qui est celle de la communication sociale de proximité, qui n’est pas économiquement viable, et que nous devons la faire dans de bonnes conditions, il nous faut des salariés et de l’argent pour réaliser cette mission. Alors que ce soit sous la forme d’une aide à l’emploi directe ou sous la forme d’une aide aux projets, peu importe. Mais économiquement, nos radios ne peuvent pas être viables. Une association a pour vocation d’être financièrement au minimum équilibrée. Ensuite, quand elles dégagent une excédent, elles doivent le mettre dans le fonctionnement.

RA : On demande donc aujourd’hui aux radios associatives d’avoir une mission qui s’apparente au service public sans leur en donner les moyens ?
F.J. : Oui, avec une loi qui a été signée par le gouvernement de l’époque, par les organisations représentatives du secteur et qui cadre les missions de ces radios et leur donne en principe les moyens de respecter cette loi. Aujourd’hui, il n’y a plus respect de cette loi. On ne pourra pas continuer ce travail sans argent.

RA : Quelle est aujourd’hui la visibilité des radios associatives ? Avez-vous le sentiment que vos inquiétudes sont entendues ?
F.J. : Jusqu’à présent, nous avons été plutôt entendus. Le FSER n’allait pas bien l’année dernière, mais les ressources n’ont pas diminué. Il y a 24 millions d’euros distribués à 600 radios. Nous avons obtenu que les radios n’y perdent pas. Cette année, il faut aller plus loin, mais en plus il va falloir trouver une solution pour que la trésorerie puisse fonctionner. Sur de nombreux dossiers, nous sommes en train de revoir les conventions avec le CSA pour les radios associatives qui ont tout de même quelques particularités. J’ai personnellement insisté pour que l’on supprime la fiche musicale qui est extrêmement réductrice. Les radios associatives sont tellement diversifiées et ont obtenu de pouvoir se décrire de manière différente. En termes de contraintes techniques, il y a eu des assouplissements.

RA : Le versement des subventions du FSER a pris beaucoup de retard, que comptez-vous demander ?
F.J. : Nous allons essayer d’aller le plus vite possible avec le Commission dans le traitement des dossiers. Le CNRA est extrêmement majoritaire au niveau du FSER, ce qui nous conforte par rapport à une organisation minoritaire du secteur. Mais les dernières radios ne sont toujours pas payées sur leurs dernières majorations. Les agios sont dramatiques pour certaines radios. Un président de radio me disait que les membres essayaient d’avancer de l’argent pour tenir le cap.

RA : Vous évoquiez la CNRL. Il semble qu’il y ait une tension entre organisations du secteur associatif. Est-ce que ces tensions ne sont pas dommageables à l’ensemble du secteur ?
F.J. : La CNRL est une organisation thématique qui regroupe quelques radios spécifiques, comme c’est le cas de la Férarock ou de Iastar. Ensuite, il y a une seule organisation nationale qui regroupe des fédérations régionales et thématiques, c’est le CNRA. Nous souhaiterions être réunis sous une même bannière, et que d’autres organisations viennent travailler derrière le CNRA, ce serait une bonne chose. Mais chacun a le droit d’avoir des points de vues différents sur certains dossiers. Je pense que cette représentativité au FSER est juste. Il me paraît évident qu’une organisation qui représente de multiples courants d’idées et un nombre important d’adhérents du secteur soit plus représentée.

RA : Comment le grand public perçoit il la radio associative ?
F.J. : Il n’y a pas un profil type d’auditeur de la radio associative. La personne qui écoute un réseau pour entendre parler de petites culottes le soir, on a identifié le profil de l’auditeur. Une radio associative qui répond à une demande d’un quartier va avoir un profil d’auditeur particulier. Le profil de nos auditeurs est très partagé. Nous souhaitons mettre en exergue ce auditeur pour qu’il soit enfin reconnu, valorisé et chiffré. D’où le test 2004 de l’enquête « Public des associatives » avec Médiamétrie qui devrait se généraliser en 2005.

RA : N’avez-vous pas le sentiment que les radios associatives sont marginalisées ?
F.J. : Si, et c’est pour cette raison que nous valorisons notre audience, notre travail. Nous sommes complètement dans l’air du temps car les radios associatives sont des radios de proximité qui sont véritablement les acteurs de la décentralisation de demain. Ce sont des radios qui ont résisté à tous les mouvements car nous avons aujourd’hui plus de 20 ans et elles sont totalement d’actualité. On ne peut pas répondre à la décentralisation sans les acteurs de proximité que sont nos associations. De manière générale, je crois que le secteur associatif souffre.


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