CSA – Le grand emprunt pour financer la radio numérique ?

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Après avoir oeuvré et pesé de tout leur poids pour obtenir du gouvernement l’adoption du T-DMB comme norme de diffusion de la radio numérique terrestre en décembre 2007, c’est-à-dire il y a près de deux ans, les éditeurs de services et spécialement ceux du GRN et du Bureau de la Radio sont aujourd’hui beaucoup plus dubitatifs quand aux réelles chances de succès de la numérisation de la diffusion radio. Alors qu’ils affichaient une volonté sans faille il y a encore quelques mois, les grands opérateurs nationaux, rejoints par le SIRTI et les stations régionales, semblent désormais décidés à faire échec à la radio numérique, ou pour le moins à ralentir sérieusement son développement. Echaudés par les choix du CSA, qui n’a retenu que quelques nouveaux entrants, ainsi que par les coûts liés à la double diffusion analogique-numérique qui va perdurer pendant plusieurs années, sans compter l’annulation pure et simple par le CSA des appels aux candidatures sur 16 des 19 premières zones concernées par la radio numérique, les éditeurs de services affichent de réelles réticences. Ainsi, le 28 août dernier, Franck Lanoux, directeur délégué de NextRadio TV, estimait que la radio numérique « ne changera rien pour 95% du trafic radio », selon des propos rapportés par l’AFP. « On a du mal à cerner comment va se développer la radio numérique », a t-il expliqué, ajoutant que « les appareils n’existent pas et la technologie a demandé aux opérateurs beaucoup d’investissements. Les consommateurs n’ont rien pour recevoir le trafic ».

Pourtant le GRN, auquel adhère NextRadio TV, avait annoncé en décembre 2007 la rédaction d’un document de recommandations pour la construction de récepteurs, en commun avec le Simavelec, un levier indispensable pour la fabrication et l’initialisation du parc de récepteurs numériques en France. A ces difficultés viennent s’ajouter celles des radios associatives. Le secteur associatif, déjà en proie à un manque de financement récurrent, attend toujours les aides promises par le gouvernement pour financer la migration vers la radio numérique. Aujourd’hui, il semble clair que la facture du coût du déploiement de la radio numérique terrestre est encore allourdie par le choix du T-DMB par le Ministère de la Culture, à la demande du GRN, et dont la diffusion est beaucoup plus onéreuse que le DAB+. Par ailleurs, selon nos informations, les grands groupes pèseraient désormais de tout leur poids pour remettre en cause les décisions du CSA dans la composition des premiers multiplexes, afin de retarder leur lancement et obtenir des délais supplémentaires. Toujours selon nos informations, certains ont déjà déclaré entamer des actions en justice à l’encontre du CSA.

De son côté Michel Boyon, président du CSA, a saisi l’occasion du séminaire interministériel sur le numérique, organisé par le gouvernement ce jeudi 10 septembre, pour tenter de sauver la radio numérique. Alors que l’Etat s’apprête à lancer un grand emprunt, le président du CSA a proposé qu’une partie des revenus de cet emprunt soit affectée à la radio numérique terrestre. Si François Fillon, le Premier Ministre, a confirmé que « l’économie numérique est une des très grandes priorités nationales sur laquelle nous allons faire porter l’investissement de la France de demain », la radio numérique ne semble cependant pas être au coeur des préoccupations du gouvernement, plus enclin à vouloir assurer les financement des réseaux très haut-débit en fibre optique. Michel Boyon souhaite pour sa part que des fonds soient alloués à la construction des réseaux de diffusion de la Télévision Mobile Personnelle et de la radio numérique terrestre, et ce « afin d’empêcher toute fracture numérique audiovisuelle ».

Une brèche dans laquelle s’est d’ores et déjà engouffré le SIRTI, estimant que « la perspective de mobilisation de ressources issues du grand emprunt [est] indispensable pour que la RNT ne reste pas dans les cartons ». Selon le SIRTI, l’investissement nécessaire au déploiement de la radio numérique « ne saurait être supporté par les seuls éditeurs de programmes de radio, spécialement par les petites entreprises qui constituent le secteur des radios indépendantes ». Problème : des fonds publics ont-ils vocation à financer la construction de réseaux destinés à diffuser des stations de radio privées et commerciales ? Le grand public, qui s’acquitte déjà de la redevance, va t-il accepter de financer en plus des émetteurs privés et de s’équiper à grands frais de récepteurs spécifiques pour une offre de programmes quasiment identique à la FM ? La position du SIRTI, qui s’inquiète maintenant du financement du déploiement de la radio numérique, contraste singulièrement avec celle que le syndicat – et le GRN – avaient adopté en mars 2008. Le syndicat déclarait alors que les radios locales régionales et thématiques « sont prêtes à élargir l’offre de programmes au public, que ce soit par l’extension de leurs zones de diffusion ou de nouveaux projets ». Un élargissement en réalité impossible en raison du choix du T-DMB. Quoiqu’il en soit, les interrogations des éditeurs de services, qu’ils soient nationaux ou régionaux, sur l’intérêt réel de la radio numérique sont de plus en plus nombreuses. Dépassée par Internet, les mobiles et les balladeurs MP3, la radio numérique terrestre a-t-elle encore une chance de séduire le grand public ?


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