DR France – Le rapport Tessier est « partial et partiel »

619
619

Le rapport remis au Premier Ministre par Marc Tessier et consacré aux perspectives de financement de la Radio Numérique Terrestre (RNT) n’a pas fini de bouscluer le calendrier du déploiement futur du numérique. Dans un entretien accrodé à RadioActu, Jamil Shalak, président de DR France, souligne « la ferme détermination de l’autorité de tutelle à jouer son rôle ».

RadioActu : Cette année encore, la RNT a fait l’objet de nombreux débats au cours du salon Siel-Satis-Le Radio, et le CSA, avec Rachid Arhab et Alain Méar a été particulièrement présent. Comment accueillez-vous les annonces qui ont été faites pendant le salon ?
Jamil Shalak : Des annonces fortes ont été faites lors des trois jours du salon Salon Siel-Satis-Le Radio. Salon qui a pris une dimension particulièrement forte et inespérée cette année compte tenu de la crise actuelle et des débats en cours. Certains journalistes auraient d’ailleurs dû écouter les podcasts et vidéos de ces conférences avant de rédiger un peu trop rapidement leurs articles. Ils sont d’ailleurs tous disponibles sur le site de DR France en page d’accueil. Le CSA a lancé, certes de façon symbolique, la RNT pendant ce salon et les propos tenus par Rachid Arhab et par Alain Méar, lors de ce lancement, ont marqué la ferme détermination de l’autorité de tutelle a jouer son rôle, pour ceux qui auraient pu en douter et en dépit des obstacles dont certains apparaissent curieusement opportuns et destinés apparemment a affaiblir cette institution. A diverses occasions, l’autorité de tutelle a su être présente notamment lors des débats consacrés à la radio qu’elle soit analogique ou numérique. Ce signe est particulièrement rassurant pour les éditeurs de service qui constituent la très grande majorité des nos membres mais aussi pour les diffuseurs et pour les fabricants, eux aussi membres de DR France et présents en nombre ainsi que la Grande Distribution présente pour la première fois sur le salon. Nous saluons plus particulièrement l’annonce faite, toujours par les deux sages, d’une concertation nouvelle et très utile qui aura lieu le 23 novembre avec l’ensemble des acteurs revenus, pour certains, à de meilleurs sentiments concertation que que DR France avait appelée de ses voeux dans ses communiqués de presse en juin dernier. Je note aussi la forte présence des écoles et des centres de formation et du monde associatif ce qui est de bonne augure pour l’avenir.

RadioActu : Certains acteurs ont par ailleurs revu leurs positions, notamment sur la question de la norme de diffusion…
Jamil Shalak : Nous avons apprécié à sa juste valeur l’annonce faite, sans langue de bois, par le représentant du Bureau de la Radio quant à la norme d’une part, mais aussi quand à l’ouverture du débat sur la date d’extinction de l’analogique. Il s’agit d’un acte positif, non démenti et qui prouve que les grands acteurs ont la capacité de regarder de façon objective les difficultés et de faire évoluer leur propre reflexion. En tout cas, ils en ont affiché clairement cette volonté. Cette position de sagesse, si elle est confirmée lors de la réunion du 23 novembre était réclamée par DR France et conduira a corriger le choix erroné, non dépourvu de volonté de réduction du nombre de concurrents, d’une mono norme pour la numérisation de la Bande III. Ce choix s’étant au final retourné contre les grands réseaux. Bien entendu, DR France salue la nouvelle volonté des membres du Bureau de la Radio représentant les Groupes RTL, Lagardère, NRJ et NextRadioTV, de collaborer désormais avec les autres éditeurs de services dont le poids compte tenu du nombre de fréquences détenues mais aussi l’expérience sont incontournables. Cette volonté était totalement inexistante au sein du GRN. Nous avons également relevé l’annonce faite par le président de Radio France quant au fait que le service public était désormais prêt à se lancer dans la RNT, et apprécié que le service public, qui, comme DR France l’avait toujours demandé, retrouve sa mission et son indépendance vis-à-vis du « feu ? » GRN. Plus particulièrement, les déclarations de l’ensemble des représentants des éditeurs de services qui ont affirmé que c’est bien au CSA et avec lui, que les débats doivent se dérouler et sous sa houlette. Les débats lors d’autres conférences ont été riches en avancées et je relève, entre autres, que lors de la conférence consacrée aux sondages, il est clairement apparu que la radio hertzienne et la diffusion de la radio par le web étaient parfaitement complémentaires, chiffres a l’appui. Ceci met, pour ce qui me concerne, terme a un faux débat.

RadioActu : Comment analysez-vous les conclusions du rapport consacré au financement de la Radio Numérique Terrestre, remis au Premier Ministre par Marc Tessier le 9 novembre dernier ?
Jamil Shalak : Nous avons pu nous procurer le rapport Tessier et l’avons mis a disposition du public sur notre site car il nous semble que les informations et les débats appartiennent à tous et que notre rôle est aussi d’informer et de rechercher la vérité. Ce rapport souffre dés le départ d’un handicap certain : le manque de concertation avec les acteurs représentatifs ce que je ne peux que déplorer et qui le réduit nécessairement à une sorte de contribution supplémentaire et orientée du débat. Il souffre aussi d’un autre handicap puisque son auteur sort de la mission qui lui a été confiée. Certes, il tente de s’en expliquer dans le rapport, mais dans ce cas il aurait fallu aussi embrasser l’ensemble de la problématique, ce qui est loin d’être le cas. Ce rapport s’apparente surtout à un dossier à charge et lui ôte toute crédibilité et toute neutralité. Difficile, même avec la meilleure volonté du monde, de ne pas relever l’orientation de ce texte et le manque de « mises à jour ». Difficile également d’y trouver la moindre information que l’ensemble des acteurs n’aient pas et dont les réponses ne figurent pas déjà dans les multiples consultations lancées depuis trois années tant par l’autorité de tutelle que par les services du Gouvernement. Curieux aussi d’y lire que le modèle économique n’aurait pas été étudié et qu’aucune étude de marché n’aurait été conduite. Alors sur quoi se fondaient les grands groupes ainsi que le Service Public pour réclamer, avec les autres acteurs, la numérisation de notre média ? Pourquoi alors auraient-is tous renvoyés leurs conventions signées au CSA ? Je ne pense pas que l’on puisse douter que ces acteurs aient, de façon très professionnelle, longuement et largement étudié ces questions avant de se lancer. Je suis en mesure de témoigner que ce fut le cas des membres de DR France, qui, au passage font partie du nombre de ceux et non des moindres (diffuseurs, fabricants, organisations professionnelles, etc), qui ne furent point consultés par les auteurs de ce rapport. Des acteurs et non des moindres ont été candidats et ont aussi mené des expérimentations depuis de trés nombreuses années. Comment peut-on affirmer que Radio France, présidée à l’époque par l’une des personnes ensencées dans ce rapport, n’ait fait aucune étude de marché ? Que TF1 qui a combattu et obtenu d’avoir sa radio ne l’ait pas fait ? Que NextRadioTV, qui non seulement a posé sa candidature mais a engagé aussi des recours car elle estime ne pas avoir obtenu gain de cause, se soit lancé sans analyse préalable ? Ce rapport, qui sort de sa mission encore une fois, n’apporte non seulement aucune véritable information, mais n’est neutre, ni technologiquement, ni politiquement. J’en veux pour preuve son inclinaison parfaitement irréaliste et opposée au modèle français de la radio. Un lancement des appels à candidature national va à l’encontre des intérêts de réseaux multi-villes, régionaux et locaux et exécute sans hésitation les radios de proximité. Donc une grande partie, pour ne pas dire l’essentiel, de ce qui fait la force de notre média aux côtés de la mobilité, la gratuité pour ne retenir que cela. La conclusion est atterrante puisqu’elle conduit, en résumé, à orienter le pays vers la radio payante et a mettre un terme à la seule exception culturelle que nos voisins peuvent, à juste titre, nous envier et d’ailleurs nous envient. J’en retire aussi le sentiment que ce rapport, qui n’est pas véritablement à jour, est à contre-sens de l’histoire. J’ose penser que les pouvoirs publics et particulier le Premier Ministre et le Ministère de la Culture, parfaitement conscients du rôle de l’état et des enjeux politiques, économiques et matière d’emplois, à quelques mois des élections régionales, n’accorderont à un tel « rapport » pas plus d’intérêt que ce qu’il n’apporte : une opinion partiale et partielle.

RadioActu : Les principaux acteurs de la RNT doivent se réunir avec le CSA le 23 novembre prochain. Qu’attendez-vous de cette concertation ?
Jamil Shalak : Le débat doit retourner là où il n’aurait jamais dû sortir : au CSA. Il doit répondre – ce dont je n’ai jamais douté – au souhait de DR France et désormais à bien d’autres que les membres de DR France. Les acteurs doivent agir avec responsabilité et doivent mettre de côté les débats inutiles et non constructifs. Voire même les querelles de personnes dont nous devons et pouvons faire l’économie. La RNT peut réussir et va réussir avec tout le monde car c’est bien l’avenir de notre média qui est en cause. Il sera temps, ensuite, pour chacun des acteurs, de se consacrer à la défense d’intérêts aussi légitimes soient-ils, commerciaux que non commerciaux. Je pense aussi qu’un vieil adage retrouve aujourd’hui tout son sens : « Il faut laisser aux boulangers le soin de faire le pain ».


#Tags de cet article
Optimization WordPress Plugins & Solutions by W3 EDGE