Emmanuel Boutterin (SNRL) – « Ce Congrès de Paris est la preuve d’une certaine avancée »

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Radioactu : Le SNRL a 10 ans. En résumé, quel bilan de l’activité du syndicat tirez-vous après ces 10 années d’activité ?
Emmanuel Boutterin : Le syndicat a une histoire passionnante qui mérite que l’on s’y arrête un instant. Il a pris la suite de la Confédération Nationale des Radios Libres et du mouvement des radios libres des années 70, notamment avec l’Association pour la Libération des Ondes. C’est un prestigieux héritage avec les engagements des philosophes Gilles Deleuze et Félix Guattari. Le mouvement s’est enrichi, il a su allier passion et pragmatisme. Le syndicat est à la fois un lieu de débats et d’engagements. Nous défendons inlassablement la question du pluralisme externe et de la liberté d’accès au spectre hertzien, les fondamentaux de la liberté d’expression dans l’audiovisuel. Le SNRL c’est aussi une organisation professionnelle regroupant les radios associatives, qui sont des entreprises de l’économie sociale, en capacité de construire une voie dans l’audiovisuel sur les aspects de la gestion d’entreprise, dans notre branche et même au delà de notre branche. Nous sommes la seule organisation patronale de l’audiovisuel à avoir des mandataires dans les Conseil de Prudhommes, dans les Tribunaux des Affaires Sociales, et aujourd’hui dans les nouvelles instances régionales de la formation professionnelle. Et cela grâce à notre engagement au plus haut niveau de l’Union des Entreprises de l’Économie Sociale, aujourd’hui reconnue par l’État. Dans la branche de la radiodiffusion, sur les questions sociales, nous avons également appris à ne pas jouer tout seuls dans notre coin, mais à construire des alliances, avec le service public et les radios commerciales. Car il faut bien comprendre que l’ensemble du broadcast, télévision et radio, auxquelles je peux ajouter les industries du cinéma, sont dans une phase de construction de nouveaux rapports de force au plan national et mondial, et que nous ne pouvons pas nous offrir le luxe de perdre ce que nos prédécesseurs ont réussi à construire avec courage et convictions. Ils ont montré la voie, soyons dignes de leur pensée et de leurs réalisations. Le slogan historique du SNRL prend ici tout son sens : « Ensemble, on est plus forts ! »

Radioactu : Quel est le but de ce 10e congrès du SNRL ?
Emmanuel Boutterin : Dix ans, c’est une étape qui marque. C’est un Congrès de renforcement. Je ne vous parle pas des différentes surprises que nous vous réservons, regardez seulement les intervenants : tous nos confrères nous font l’honneur d’être présents. Regardez qui nous accueille jeudi d’une part et vendredi d’autre part : Radio France et la Sacem. N’est-ce pas exceptionnel ?! Nous construisons ensemble l’avenir de la radio avec nos différences, et nos complémentarités, notre passion commune pour ce média libre est le ciment du dialogue et du succès populaire de la radio. Ce Congrès ne concerne pas seulement notre organisation professionnelle. Il est un véritable lieu de débat du monde de la radio, il est un moment fort de dialogue notamment avec le gouvernement, avec l’État, et avec le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, aujourd’hui véritable autorité indépendante pour l’audiovisuel dans notre pays. La radio doit trouver toute sa place, ni plus ni moins, dans leurs préoccupations. Promouvoir ce média, le défendre, dépasser les différences, trouver le chemin des compromis raisonnables, c’est notre but. J’ajoute que ce n’est pas tous les jours facile. Mais nous devons aussi savoir dépasser nos divergences et travailler ensemble. Je me souviens que lors du Congrès de Nantes, en 2010, nous avions osé évoquer l’idée d’une ‘Alliance Globale’ de la radio. Je ne sais pas si c’est le bon terme, mais ce que je sais, c’est que ce Congrès de Paris est la preuve d’une certaine avancée.

Radioactu : La radio numérique fait partie des grands thèmes de l’actualité radio. Pouvez-vous rappeler le positionnement du SNRL sur ce sujet ? De quelle façon la radio numérique sera-t-elle abordée durant le congrès ?
Emmanuel Boutterin : Ce qu’il se passe sur ce dossier est à peine croyable : une nouvelle bande de fréquences a été attribuée à la radiodiffusion, sans préjudice pour la Bande FM. La radio numérique est inscrite dans la Loi depuis plus de 10 ans, il est temps d’avancer concrètement. Tous les acteurs peuvent s’y retrouver pour moderniser ce média, tout en garantissant la gratuité et l’anonymat de la réception pour nos auditeurs. Il reste de nombreuses oppositions, à tous les niveaux, souvent basées sur des idées reçues et largement diffusées. Pour les uns, c’est trop cher, pour d’autres c’est trop de concurrence, pour d’autres encore, c’est trop tard. Dans les trois cas c’est faux, et le Congrès du SNRL va le démontrer. Finalement, je constate que la seule piste d’avenir qui garantie le pluralisme des éditeurs trouve de nombreuses oppositions conservatrices. Les acteurs de la radio devraient s’arrêter un moment et se remémorer l’Association de la Libération des Ondes, et les batailles des pionniers : à cette époque le seul régulateur c’était le Ministre de l’Intérieur et la police, la Loi leur interdisait d’émettre, et les gardes à vue se succédaient. En dépit de ce contexte, ni l’investissement, ni la diversité, ne leur faisait peur ! Et aujourd’hui, on fait la fine bouche alors que de nouveaux espaces hertziens lorgnés par les télécoms nous sont réservés ? Soyons raisonnables et ne laissons pas notre avenir s’écrire sans qu’on y participe. Le regard tourné vers l’avenir, sans jamais oublier le chemin parcouru, c’est ce qui nous amène à croire fermement que la RNT hybride est la meilleure solution pour toutes les catégories de radio.

Radioactu : Qu’est-ce qui fait aujourd’hui la force des adhérents du SNRL ?
Emmanuel Boutterin : Ce qui fait la force de nos adhérents ? C’est notre crédibilité et notre force de conviction ; c’est la capacité collective du syndicat à penser et à construire. Le syndicat est bâti sur la confiance des entreprises qu’il fédère. Chaque idée, chaque proposition d’action est débattue, et puis on tranche. Quand une proposition n’est pas retenue, elle n’est pas pour autant abandonnée. On la garde au frais pour plus tard. Notre fonctionnement ne provoque pas de frustration, mais au contraire génère le plaisir de voir la cause des radios de proximité avancer. Et quand cette cause avance, c’est chaque radio, leurs personnels et leurs bénévoles qui en bénéficient, parfois par petites touches, imperceptibles, parfois de manière immédiate et évidente. Le SNRL se différencie par sa forte capacité de travail, sur tous les territoires, et ses multiples compétences reconnues sur le plan national et international : nous avons aujourd’hui l’écoute attentive de tous les partenaires de la radio et de toutes les institutions, nul besoin de crier au loup à chaque fois qu’un problème se présente. Il suffit bien souvent de travailler, pour convaincre. C’est ce que nous nous efforçons de faire, et c’est sans doute ce qui fait aujourd’hui la force de nos adhérents.

Radioactu : Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Emmanuel Boutterin : Quelques remerciements si vous le permettez. Cela fait dix ans que l’on me confie ce mandat à la présidence du SNRL, remis entre les mains des adhérents chaque année. Je voudrais d’abord remercier toute l’équipe du syndicat : c’est une trentaine de cadres bénévoles, un délégué général, une poignée de consultants thématiques et quelques dizaines de mandataires régionaux qui agissent en harmonie sur des champs de compétence d’une diversité incroyable. Quel chemin parcouru… La qualité et la cohérence de notre action, c’est eux. Je voudrais aussi remercier toute l’équipe de ma radio, Fréquence Mistral, sans qui bien entendu je n’aurai pas acquis l’expérience nécessaire à ce mandat. Ce n’est qu’un début… continuons la radio !


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