FB Auxerre – La police perquisitionne le domicile d’une journaliste

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Le 23 août dernier, Bleuette Dupin avait diffusé sur l’antenne de France Bleu Auxerre un reportage consacré à Barbe Makombo Mbelu, une mère de famille et ses quatre enfants originaires de la République démocratique du Congo (RDC), en situation irrégulière et présents sur le territoire français depuis 4 ans. Cette famille fait l’objet d’un arrêté d’expulsion depuis juin dernier. Ses deux aînés, Rachel, 15 ans et Jonathan 14 ans se sont enfuis, terrorisés à l’idée d’être expulsés vers la RDC où leur père a disparu, où leur mère a subi de graves sévices et est toujours recherchée. La journaliste avait téléphoné puis rencontré cette mère de famille dans le cadre de ce reportage. Au lendemain de la diffusion de cette enquête, des policiers se sont présentés au domicile de la journaliste de France Bleu Auxerre, à la recherche de deux des enfants congolais. La journaliste, alors sur son lieu de travail, est avertie de cette visite par son mari. Ce dernier refuse de laisser entrer les policiers. « Dix minutes après la première visite, sans lettre du procureur, la police revient en menaçant alors mon mari de forcer la porte et de l’arrêter « pour aide au séjour irrégulier ». Mon mari téléphone au commissariat qui confirme l’intervention, et il me joint à la rédaction pour me tenir au courant de l’évolution de la situation, démuni et interrogatif. Je retourne immédiatement chez moi, accompagnée de mon rédacteur en chef, car j’ai très vite compris, d’après la question des policiers, qu’il pouvait y avoir là un lien avec mon reportage », a indiqué Bleuette Dupin à RFI.

Après avoir perquisitionné l’appartement de la journaliste, les policiers convoquent cette dernière et son mari au commissariat de police d’Auxerre pour y être entendus. Dans un communiqué diffusé le 24 août dernier, la présidence de Radio France a indiqué que cette convocation s’inscrivait « dans le cadre d’une enquête diligentée par des officiers de police judiciaire et ordonnée par Monsieur le Procureur de Sens ». Cette démarche a provoqué une vive indignation de RESF (Réseau Education Sans Frontières). « Au-delà de ses aspects grotesques, la perquisition du domicile d’une journaliste et l’acharnement avec lequel les services de police semblent avoir reçu l’ordre de conduire l’enquête illustrent les dérives graves qu’entraîne la politique de Monsieur Sarkozy et de son gouvernement, non seulement pour les sans papiers et leurs enfants mais aussi, de façon contradictoire, pour la justice, la police, les services préfectoraux d’un côté, et pour les journalistes et, finalement, tous ceux qui demeurent attachés à la protection contre les persécutions, au droit pour des enfants à la scolarité, à l’équité et aux libertés, celle d’informer et les autres », s’est indigné RESF.

Une intersyndicale des journalistes de Radio France (CFDT, SNJ, SNJ-CGT, SJA-FO, SUD) est constituée dans la journée de mercredi. Dans un communiqué, elle dénonce « une affaire gravissime, et totalement contraire au principe de la liberté de la presse ». Les syndicats ont demandé à Jean-Paul Cluzel, PDG de Radio France, « d’intervenir au plus haut niveau et d’assister Bleuette Dupin dans les suites éventuelles de cette affaire ». L’intersyndicale explique également que « jusqu’à ce jour, il arrivait malheureusement que des journalistes soient entendus, voire mis en examen pour refus de révéler leurs sources. Cette fois la justice va plus loin. Elle décrète que le fait de citer une personne, et donc d’établir des contacts avec elle, nous rend complice de ses actes ». « Pour défendre le droit d’informer, on a tout de suite réagi avec l’intention de faire chauffer les fesses de ceux qui avaient orchestré cette opération. La peur que l’affaire fasse du bruit a joué. C’était une première, ce sera la dernière », a déclaré Hubert Huertas, secrétaire national du Syndicat National des Journalistes Radio France. Pour sa part, la présidence de Radio France indique que « la manière dont les faits se sont déroulés a provoqué une vive émotion parmi ses confrères et la Direction de Radio France ». Jean-Paul Cluzel, Président de Radio France a immédiatement saisi le Garde des Sceaux afin d’obtenir « des éléments de réponses concernant cet incident ».


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