La crise qui couvait depuis plusieurs mois au sein du conseil d’administration du GIE Les Indépendants a connu son apogée le 3 mars dernier, lors d’une assemblée générale du groupement qui s’est déroulée à Paris. Présidé depuis sa création en 1992 par Jean-Eric Valli, par ailleurs dirigeant du groupe Start, le GIE a procédé à un profond renouvellement de son conseil d’administration. C’est dans une ambiance particulièrement délétère que s’est tenue cette assemblée générale au cours de laquelle 4 administrateurs du GIE ont été révoqués, sous la pression de Jean-Eric Valli. Yann Oger (Hit West), Didier Rigot (Contact), tous deux dirigeants de radios fondatrices du GIE, ainsi que Stéphane Rogne (Radio Star) et Olivier Fabre (100% Radio) ont ainsi été démis de leurs fonctions d’administrateurs. Pourtant, Yann Oger avait été réélu à son poste d’administrateur le 1er avril, tandis que Didier Rigot avait perdu son poste d’administrateur et de vice-président du GIE Les Indépendants. Il avait cependant été réélu lors de l’assemblée générale du 25 septembre 2008. Pour leur part, les deux autres administrateurs révoqués, Olivier Fabre et Stéphane Rogne, avaient été élus lors de l’assemblée générale du 1er avril 2008 avec respectivement 80.4% et 85.4% des voix. Les motifs de la révocation de ces 4 administrateurs ne sont pas clairs. Contacté sur ce point par RadioActu, Jean-Eric Valli n’a pas souhaité apporter de réponse, de même que les 4 administrateurs révoqués. Toutefois, selon nos informations, il leur serait reproché d’avoir été en désaccord avec Jean-Eric Valli lors de conseils d’administration. Ils se seraient également opposés à la création d’une société interposée entre la régie et les radios et qui aurait été chargée de la répartition des recettes publicitaires générées par la commercialisation de l’espace publicitaire des stations adhérentes. Cette société, si elle avait vu le jour, aurait été dirigée par Jean-Eric Valli. Enfin, ils auraient également protesté contre les avantages accordés par l’intermédiaire du GIE à Sud Radio – contrôlée par le groupe Start – alors que cette station n’est pas adhérente du groupement et ne paye pas de cotisation.
La révocation de ces 4 administrateurs a provoqué une vive réaction de la plupart des représentants des stations membres, qui ont alors quitté la salle où se déroulait l’assemblée générale, refusant de prendre part au vote de la révocation des administrateurs et de leurs remplaçants. En lieu et place, 4 nouveaux administrateurs ont donc été désignés. Il s’agit d’Antoine Baduel (FG), Lazare Groune (Vitamine), Agnain Martin (Radio Dreyeckland) et Francis Delafosse (Résonance). Pourtant, lors de l’assemblée générale du GIE Les Indépendants du 1er avril 2008, Agnain Martin avait recueilli seulement 3.3% des votes, Lazare Groune 19.0% et Francis Delafosse 28.5%. Autre problème : deux de ces 4 nouveaux administrateurs sont liés capitalistiquement entre eux et avec le groupe Start via Fédéri (Fonds d’Equipement et de Développement des Entreprises Radiophoniques Indépendantes), un holding financier créé en 2001 et contrôlé majoritairement par les dirigeants de Start, Alouette et Radio Scoop.
Concrètement, sur les 8 administrateurs du GIE Les Indépendants, 5 ont des liens capitalistiques directs ou indirects avec le groupe Start et Jean-Eric Valli. Bertrand de Villiers est en effet président d’Alouette et actionnaire et président de Sud Radio contrôlée par le groupe Start. Daniel Perez, actionnaire de Sud Radio, est président de Radio Scoop, dont le directeur général, Alain Liberty, est le consultant aux programmes de Sud Radio. Lazare Groune est président de Vitamine, dont l’un des administrateurs est Jean-Eric Valli et dont Fédéri contrôle officiellement 20% du capital (cf RadioActu du 25 janvier 2005). Enfin, Agnain Martin est actionnaire de Fédéri et président de Radio Dreyeckland, contrôlée à 20% par Fédéri (cf RadioActu du 30 mars 2004).
Le GIE Les Indépendants est donc passé sous le contrôle du groupe Start et de ses alliés. En effet, les administrateurs du GIE Les Indépendants sont élus par les membres au nombre de 31 sur les 113 stations adhérentes du groupement. 11 de ces 113 radios sont contrôlées par les 5 administrateurs liés au groupe Start. Le vote lors de l’assemblée générale est déterminé par l’audience des radios. Avec ses 6 stations (Vibration, Ado FM, Forum, Latina, Voltage et Blackbox), le groupe Start représente aujourd’hui 27.3% des voix des seuls membres. Mais en juin 2008 (lire RadioActu du 20 juin 2008), une résolution avait été adoptée pour limiter le cumul des droits de votes à 25% pour un groupement de radios. Ce dispositif a pour objectif de limiter le poids de certains opérateurs au sein du GIE Les Indépendants. Selon nos informations, les radios du groupe Start auraient déposé une motion pour supprimer cette clause limitative. Lorsque Sud Radio rejoindra le GIE Les Indépendants, les 5 administrateurs liés au groupe Start contrôleront à eux seul près de 54% des droits de votes.
Par ailleurs, selon nos informations, Jean-Eric Valli a engagé le jour même de l’assemblée générale de révocation des 4 administrateurs une procédure de licenciement à l’encontre de Jean-Philippe Olivieri, directeur général des Indépendants depuis 13 ans. Interrogé par RadioActu sur les motifs de cette procédure, Jean-Eric Valli n’a pas donné suite à nos questions. De même, Jean-Philippe Olivieri n’a pas souhaité répondre à nos questions.
Le coup de force du groupe Start risque de compromettre sérieusement l’avenir du GIE Les Indépendants, dont la réussite depuis sa création en 1992 repose sur un fragile équilibre entre les intérêts de l’ensemble des 113 stations adhérentes. La survie financière dépend, pour une très grande partie d’entre elles, des ressources publicitaires générées par le GIE Les Indépendants. Aujourd’hui commercialisé par TF1 Publicité, le GIE Les Indépendants génère un chiffre d’affaires minimum de 50 millions d’euros par an. Après la mise en coupe réglée du GIE par le groupe Start, de très nombreuses stations adhérentes ont fait part de leurs inquiétudes. Elles demandent le retour à des règles de fonctionnement démocratiques et réclament plus de transparence dans la gouvernance du GIE Les Indépendants.
. : Note de la rédaction : .
Après la publication de cet article, nous avons reçu une demande de précision de la part de Olivier Fabre, Didier Rigot, Yann Oger et Stéphane Rogne. Nous la publions bien volontiers dans son intégralité.
« Tout en respectant la liberté d’informer des journalistes , en l’occurrence celle de Radioactu, les 4 administrateurs révoqués et cités dans l’article (Didier Rigot, Yann Oger, Stéphane Rogne, Olivier Fabre), regrettent que ce débat , interne au GIE et ne regardant que les radios qui en font partie, soit ainsi porté en place publique. »
