Joël Ronez (Le Mouv’) – « Il faut laisser le temps au programme de s’installer pour que ce soit mesurable »

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Quel est votre sentiment par rapport à la nouvelle vague de sondages Médiamétrie ?
Joël Ronez : Nous n’avions pas d’attente particulière, puisque la nouvelle grille a débuté lundi dernier. Nous sommes toujours contents de prendre ce qu’il y a à prendre, mais c’est trop tôt. Il ne fallait pas avoir d’attentes importantes sur cette vague. Nous commencerons à nous intéresser aux sondages à partir de la première vague du printemps. Notre urgence actuelle consiste surtout à travailler sur le contenu, sur les programmes, sur l’offre, sur l’articulation avec la partie numérique. Nous avons évidemment comme objectif de retrouver le chemin vers les auditeurs, mais en radio il faut laisser le temps aux programmes de s’installer pour que ce soit mesurable. Les changements ne sauraient avoir un effet immédiat sur l’audience.
Le premier axe de travail est un axe sur le contenu des programmes et sur le respect de notre cahier des charges. Il faut que l’ensemble des gens qui s’intéressent au sujet, ou ceux qui payent leur redevance, sachent à quoi sert le Mouv’. Prenons le cas d’Arte aujourd’hui. Personne ne se demande quel est leur score d’audience. Ils ont progressé l’an dernier et ça n’est que justice, mais avant tout, les téléspectateurs reconnaissent Arte pour sa qualité de programmes et sa place unique sur un marché complémentaire. Arte, c’est l’offre de service public d’audiovisuel de création, de documentaire, de cinéma, etc. Notre objectif premier est un objectif éditorial : faire du Mouv’ une station considérée pour la qualité de sa programmation. Dans un deuxième temps, évidemment nous souhaitons obtenir des résultats sur l’audience. À la fois sur Médiamétrie sur l’antenne, pour la fin de l’année 2014, et également sur nos sites internet et sur les podcasts. Nous sommes déjà dans le top trois de la catégorie musique d’iTunes, puisque aujourd’hui en podcasts, trois programmes du Mouv’ sont en tête.

Vous avez mis en place une nouvelle grille en janvier. A quelle valeur estimeriez-vous cela dans une étude Médiamétrie ?
Joël Ronez : Nous ne pouvons pas faire ce genre de pari. Dans le service public, la priorité est de respecter un cahier des charges et de trouver un bon compromis, entre évidement la valeur créative de nos programmes, l’innovation, et le fait de fédérer de l’audience. C’est une alchimie compliquée, seule l’expérience peut sanctionner en positif ou en négatif cette tentative. Pour le sujet de l’audience, rendez-vous mi-juillet pour les audiences de la vague mai-juin.

Vous êtes directeur des nouveaux médias à Radio France en plus d’être directeur du Mouv’. À propos des rumeurs de l’abandon du Mouv’ en FM, cela a-t-il un rapport avec cette casquette digitale ?
Joël Ronez : Encore une fois c’est très clair : ce n’est pas parce que vous avez une composante numérique dans votre projet que cette composante entraîne l’abandon de la diffusion hertzienne. Le Mouv’ est une radio, il ne s’agit pas de retrancher quoi que ce soit, mais d’ajouter quelque chose. À la dimension hertzienne, que l’on va conserver, s’ajoute une dimension numérique. Par exemple, en streaming, la première de Pedro Winter a été très suivie, notamment à l’étranger. Que ce soit également une dimension numérique dans la programmation et dans le rythme de ces programmes, la webline étant une offre de contenus et de programmes natifs destinés au web.

Quel budget représente ce renforcement sur les nouveaux médias ?
Joël Ronez : Nous ne communiquons pas sur les coûts de grille, car c’est un peu compliqué, et que par ailleurs cela ne donne pas une vision réelle mais plutôt une vision comptable. Mais nous avons fait une économie de budget au Mouv’ de 20% entre 2013 et 2014. Nous avons rendu 10% à Radio France, dans le cadre de l’effort budgétaire, nous avons réinvesti 10% pour les programmes web sur la webline. Pour résumer, nous avons un budget global en baisse de 10%, mais nous avons rendu l’antenne plus musicale en passant de 50% à 70% de temps d’antenne consacré à la musique.

Cette augmentation sur la musique est purement budgétaire ou bien est-ce aussi un réel choix d’antenne ?
Joël Ronez : C’est d’abord un choix d’antenne. Nous n’avons pas choisi d’être en baisse budgétaire : le président Jean-Luc Hees nous a demandé que notre refonte s’inscrive dans un contexte de baisse budgétaire de 10%, pour tenir compte des besoins de l’ensemble du groupe, et des contextes financiers difficiles de 2014. Nous n’avons jamais souhaité baisser de budget, mais nous avons fait avec les moyens mis à notre disposition. Nous souhaitions inscrire cette refonte dans un cadre budgétaire retravaillé, en baisse. Si vous augmentez la musique, mécaniquement vous économisez, car vous remplacez des budgets d’émissions et de cachets par des disques. Ce que vous avez à payer, c’est une augmentation de la charge sur les droits voisins, mais qui est moindre que l’augmentation des cachets et des charges.

La proportion de programmes parlés est maintenant moins forte que dans la précédente grille. Considérez-vous que ces programmes parlés constituaient un point faible sur la précédente grille ?
Joël Ronez : Ce n’est pas une histoire de point faible. Nous avons souhaité réaffirmer un choix plus tranché. La grille précédente était dans un format mi-généraliste. Avec Jean- Luc Hees, nous avons constaté que nous n’avons pas obtenu les résultats escomptés. Nous avons donc opté pour une stratégie réaffirmée, orientée autour d’une dimension musicale et numérique. Nous avons gardé trois moments de « talk » qui sont : le matin de 7h à 9h, de 12h à 13h et de 18h30 à 20h30, qui correspondent aux moments consacrés à l’actualité, aux magazines, au « talk », à l’information et à la pop culture. Le reste est du temps consacré à la musique, soit en flux, soit avec de la musique éditorialisée, avec des invités, et puis de la production de contenus à destination du site.

Musicalement le succès du Mouv’ passe-t-il par les nouveaux talents et l’éclectisme, ou bien par la diffusion de tubes et de grands classiques ?
Joël Ronez : Nous sommes plutôt sur la première option. Notre cahier des charges nous impose un taux de 25% de nouveaux talents et de nouvelles productions francophones. Nous sommes à plus de 70% de nouveautés avec, il faut le rappeler, une très grande diversité de choix. Nous sommes une radio musicale qui n’est pas formatée avec de forts taux de rotation. Nous sommes une radio musicale qui fait vivre une grande diversité puisqu’elle représente plus de 55 000 diffusions de plus de 15 000 titres différents par an, dans une couleur pop-rock électro. C’est notre optique.

Les concurrents qui ont des forts taux de rotation ne vous effraient-ils pas ? Le grand public apprécie les rotations très fortes, si l’on en juge par les audiences des musicales concernées…
Joël Ronez : Notre métier ne consiste pas à faire ce que fait le privé, il le fait très bien. Nous sommes complémentaires de l’offre privée et n’avons pas vocation à la concurrencer. Par ailleurs, nous avons un cahier des charges qui vise à la diversité et à la découverte. Nous respectons notre cahier des charges avant de savoir si cela fait de l’audience. Nous avons une mission en cela. L’autre mission que nous avons est d’innover. Innover, c’est plus difficile que d’utiliser des recettes éprouvées. Si le service utilisait les recettes des stations commerciales, il y aurait un problème. Les gens payent la redevance pour une offre complémentaire, offerte par nos stations, pour qui la publicité n’est par ailleurs pas un objectif en soi. Les gens viennent chercher chez nous autre chose : il faut donc qu’ils trouvent autre chose.
Cependant, la radio musicale d’accompagnement est condamnée à moyenne échéance. La radio à fortes rotations, sans valeur ajoutée ni sans identité, est condamnée. À moyen terme resteront en vie les stations qui proposent autre chose qu’un robinet à musique. Pour avoir accès à un robinet à musique, les auditeurs ont Youtube, Spotify, Deezer… Les gens écoutent la radio pour la mise à disposition d’une offre, d’une identité, d’une personnalité, d’une atmosphère. Ils attendent de l’éditorialisation, de la prescription, du choix. Ils attendent une offre qui soit variée et c’est notre travail. Nous considérons que faire ce travail fédère de l’audience, plutôt que de passer 40 fois le même titre dans la semaine.

Le Mouv’ avait été attaqué par Arthur, qui avait suggéré sa suppression. Quelle est votre réaction par rapport à cela ?
Joël Ronez : Il faut retenir de l’époque que notre travail est de faire nos preuves sur la fédération d’une audience. Lorsque vous fédérerez une audience, personne ne se demande ce que vous faites sur le marché. Ce que traduisaient les demandes d’un certain nombre de privés, c’est l’absence de perspectives de développement pour un certain nombre de réseaux de radios, dont Le Mouv’. Nous avons un petit réseau, présent dans 32 villes. Nous n’avons pas de réseau complet qui nous permette de jouer notre rôle de radio nationale. Simplement, nous avons une réponse différente. Je considère que Nova, Latina et FG auraient le droit d’avoir une diffusion nationale. Le problème, c’est que le marché de la radio FM ne permet pas de leur en donner. La réponse est : cherchons ensemble des nouvelles perspectives numériques à la radio, au lieu de se batailler sur le dividende en analogique. L’avenir de la radio n’est pas dans le dividende analogique.

Est-ce que Le Mouv’ compte récupérer de nouvelles fréquences, notamment des doublons d’autres radios du groupe dans certaines zones ?
Joël Ronez : Je ne peux pas répondre à cette question. Les questions qui concernent le parc de fréquences, il faut les poser à la direction en charge de la diffusion. Je rappelle juste un point : le parc de diffusion d’émetteurs de Radio France n’est pas le même. Nous ne pouvons pas avoir un raisonnement basé sur le nombre de fréquences, c’est plus compliqué que cela. La diffusion en analogique obéit à d’autres logiques. Ce que je sais, c’est que j’ai 32 émetteurs et que cela ne suffit pas à faire du Mouv’ une radio nationale.


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