Le Mouv’ – Interview de Marc Garcia

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Comfm Pro: Pourquoi avez-vous accepté de travailler sur le projet « Alpha » qui a donné naissance au Mouv’ en 1997 ?
M G: C’est entre autres pour participer à ce type de projets que j’ai rejoint le service public. Après avoir pris la décision de changer de métier, j’ai pris deux années sabbatiques, et comme la radio, c’est un peu une drogue dure, j’ai fini par me dire qu’avec l’arrivée de nouveaux modes de distribution de la radio (câble, satellite), ça mettait l’audiovisuel public face à une fenêtre de tir, qui, a mon avis est en train de se refermer, pour savoir que fabriquer dans ces nouveaux tuyaux. Il y avait probablement des réponses qui étaient plus faciles à trouver dans le service public et pour une autre raison. Avant d’exploiter un nouveau support de diffusion, une organisation privée va d’abord se poser le problème de la rentabilité, donc je me suis dit que le service public serait probablement moins frileux sur ces types de nouvelles formes de programmes. Moi qui suis plutôt un créatif qu’un gestionnaire, je me suis dit que ce sera probablement dans le service public qu’il va se passer des choses.

J’ai trouvé une porte ouverte que Pierre Bouteiller m’a ouverte à Radio France, qui était la programmation de France Inter. Puis très vite, à l’époque de la création de CanalSatellite, le service public a réfléchi sur un certain nombre de thématiques.
Je me souviens que Patrice Zelmel a organisé une réunion en s’appuyant sur des secteurs de Radio France, que sont la discothèque, la direction de la musique, etc. On voyait bien qu’il y avait des potentiels forts.
Il me semblait que depuis l’interruption de Radio 7 [Radio jeune de Radio France qui cessa toutes émissions en février 1987, NDLR] il manquait cette offre là et je faisais le pari qu’avec l’évolution de la distribution à la radio, Radio France serait confrontée à préciser son offre.

Comfm Pro: De quels moyens disposiez-vous à l’époque pour réfléchir à l’arrivée d’une offre de programme pour les jeunes ?
M G: Avant même la création du Mouv’, il y a eu un passage qui a été un changement de président de Radio France. J’ai été engagé sous le règne du Président Maheux et au moment de son départ, il y a eu notamment des candidats en interne (Patrice Duhamel ou Pierre Bouteiller) et d’après ce que j’ai su, l’ensemble des candidats à la présidence avait proposé un projet spécifique pour le public jeune.
J’ai travaillé à l’époque au dossier de Pierre Bouteiller qui était candidat, ce fut ma première approche d’une offre pour les jeunes, avant même la mission Alpha.

Comfm Pro: Qu’est-ce qui a fait le succès de la programmation musicale du Mouv’ ?
M G: Ce qui est clair aujourd’hui, on est face à un public, les plus jeunes, dont la motivation principale pour écouter la radio est de trouver de la musique. Maintenant c’est particulièrement clair pour les plus jeunes. Je voyais des chiffres qui indiquaient que chez les moins de 25 ans, 56 % du budget était consacré à la musique. Donc dans un contexte où les privés n’étaient pas suffisamment rentrés dans une logique de niche, sauf peut-être dans quelques grandes villes, l’idée de créer une offre dans le service public pour les plus jeunes s’appuyait déjà sur la musique.
Ca ne pouvait pas être la finalité parce qu’au fond une programmation musicale, ça ne peut pas être suffisant pour le service public. Il y a des aspects plus traditionnels des charges du service public : être attentif à la création française, à la découverte, laisser une place à la musique vivante, etc.
Des aspects que l’on a reproduit mais qui ne sont pas plus vrais que ce qui se passe sur les autres chaînes du groupe. On s’est également dit qu’on ne pouvait pas s’adresser à l’ensemble des jeunes. Par contre on s’est très vite arrêté sur les 18-25 ans, le passage de l’adolescence au monde adulte au cours duquel les jeunes se posent pas mal de questions. Nous nous sommes également dit que nous pouvions jouer un rôle afin d’aider à répondre à certaines de ces interrogations. En même temps, au moment où l’on voulait mettre en place ce type de programme, les privés avaient déjà des émissions de libre-antenne, alors on s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire sur un terrain moins « démago », moins vulgaire.

Comfm Pro: Le Mouv’ dispose également d’une vraie rédaction, serait-ce un des atouts du Service Public?
M G: L’info c’est forcément l’un des piliers de la radio. Après, quelle dimension peut-on donner à ce pilier, je crois qu’il y a plusieurs réponses. Ce qui est sûr : des radios sans information, ce sont des fils musicaux. Même lorsqu’on laisse peu de place à l’info, qu’on ne laisse pas du tout de place aux reportages, qu’on évacue de l’information certains aspects de l’actualité, on retrouve sur certaines radios même extrêmement musicales une place pour l’information.
Donc forcément dans le service publique, ça va un peu plus loin. On s’est rendu compte que le point de vue des jeunes dans l’actualité, était souvent absent. Souvent à travers cet angle là, on complète le travail des autres rédactions car elles n’ont pas ce réflexe là. Quand on leur dit, nous avons été à New-York, nous nous sommes posés la question de savoir comment les jeunes New-yorkais avaient vécus les attentats du 11 septembre, souvent ce sont des angles qu’elles n’ont pas le temps d’aborder.

Comfm Pro: Le Mouv émet sur 15 villes, est-ce que le développement va continuer ?
M G: On a perdu plus de fréquences qu’on en a gagné. On en avait 24 au départ. Au fond, le Mouv’ a eu deux attitudes dans sa diffusion. Une première qui consistait à le doter d’un certain nombre de fréquences, pour expérimenter tout ça. Dans ce système, Toulouse était la ville la plus importante et en dehors de Toulouse, on avait des villes moyennes et des villes inscrites dans la ruralité. On couvrait environ 1, 5 millions de personnes. Aujourd’hui avec nos 15 émetteurs on couvre environ 16 millions de personnes.
Ce qui a changé ? Avec l’arrivée de Jean-Marie Cavada, nous avons mené quelques mises au point sur cette offre. Il a été décidé de mettre des émetteurs où sont concentrés les jeunes que nous voulons toucher, c’est-à-dire dans les villes universitaires, plutôt que dans les villes rurales…ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de jeunes dans les villes rurales.
Pour construire une audience, il faut essayer d’être pragmatique surtout quand on ne peut pas gagner de nouveaux émetteurs, même quand on est le service public.

Comfm Pro: Justement l’audience, parlons-en. Entre 2001 et 2002, votre audience a augmenté de 71 %. Quels sont vos objectifs à court terme ?
M G: Depuis le début, notre objectif est de construire une offre nationale. Aujourd’hui, on est encore en dessous du point national, donc notre objectif est de l’atteindre au plus vite dans les mois qui viennent.
Même si ça commence à pointer, car quand on fait la somme de nos audiences, on arrive à l’idée que nous avons plus de 300 000 auditeurs. Nous arrivons lentement à cet objectif : apparaître dans les sondages.

Comfm Pro: Le logo du Mouv’ a changé. Pourquoi ?
M G: Le logo a fait la même chose que le reste du programme. Depuis le début, on voulait une programmation qui soit un peu plus « frenchie » que l’offre des réseaux qui ont pour cible les moins de 35 ans, c’est-à-dire, Fun Radio, Skyrock, NRJ. On veut également être plus tourné vers les découvertes.
Au départ on est parti d’une programmation la plus éclectique possible : peu de musique classique, peu de jazz, beaucoup de pop-rock, beaucoup de rap, un peu d’électro, un peu de world…Ce sont les auditeurs qui nous ont poussé à recentrer notre programmation sur le côté rock alternatif, pas la culture rock au sens strick. On n’est pas une radio rock. C’est bien pour cela que l’on dit « à l ‘esprit rock ». Cet esprit souhaite décrire une attitude, quelque chose de global. On pense que nos magazines, nos chroniques,…c’est aussi ça l’esprit rock.
Le logo, au démarrage a été dérivé de la présence d’un artiste à nos côtés qui a fait un « graph ». Cet écriture nous l’avons enfermé dans un ovale puis une ellipse. Le « graph » est devenu des textes, un peu stylisé. Les couleurs dominantes au départ étaient le jaune et le mauve. Pour des raisons de contraste, nous sommes passés au jaune et bleu (c’était en 1999).
Depuis le début, on est attentif au retour des auditeurs. Dans des focus-group, le public s’est mis spontanément à parler du logo, nous faisant remarquer que le bleu et le jaune étaient bien, car ce ne sont pas les couleurs dominantes dans l’audiovisuel, mais il a aussi noté que ces couleurs renvoyaient plus a un univers électro, qu’à un univers rock. Il nous a également dit que le logo était trop plaqué, pas assez en relief…
Donc plus qu’un changement du logo, c’est une évolution du logo. L’ellipse est toujours là et les couleurs dominantes sont toujours du jaune et du bleu.

Comfm Pro: Un mot sur la compil’. Pourquoi ne sortir qu’aujourd’hui une compilation estampillée, Le Mouv’ ?
M G: Je ne vais pas vous donner la vraie réponse…(rires) [nous insistons, NDLR] Disons, qu’on avait des problèmes de maîtrise de la marque. On a été un peu contrarié par un autre propriétaire d’une marque voisine du Mouv’. Cette compilation, on l’a faite a travers un accord de licence avec une maison de disque. On a souhaité être maître de la marque, alors que jusqu’à un passé récent, nous n’en avions pas la maîtrise. On n’est pas encore propriétaire de la marque, mais on est dans une phase juridique où on est propriétaire.
Lorsqu’on était une radio toulousaine, on n’avait pas beaucoup de potentiel. Maintenant que les maisons de disque ont observé que les jeunes artistes que l’on pousse ont souvent de bien meilleurs résultats dans les villes où on a des émetteurs que dans les autres…visiblement on sert à quelque chose pour ces jeunes artistes.
On veut servir à trouver de nouveaux talents et on veut aussi apporter un suivi.

Comfm Pro: Est-ce que Le Mouv’ envisage de conserver son siège à Toulouse ?
M G: Oui, car Toulouse est d’abord en phase avec le public que l’on souhaite toucher : La plus importante ville universitaire de France. C’est aussi une ville où la technologie est très présente : Airbus, Ariane, etc. C’est aussi une ville où la scène musicale est extrêmement large. Il y a de grands studios d’enregistrement…
Donc on a plutôt envie de persister dans cette voie. On va ouvrir des décrochages sur Toulouse et après dans d’autres villes.

Comfm Pro: Enfin, une question plus personnelle. Dans 5 ans est-ce que vous voyez à la tête du Mouv ?
M G: J’adorerai ça ! Si je suis à la tête du Mouv dans 5 ans, c’est que je ne m’y serai pas ennuyé dans les 5 années qui viennent et ça voudra probablement dire que Le Mouv’ sera une offre nationale forte avec des moyens vraiment compétitifs. Je pense qu’on est encore au tout début de ce qu’on peut faire.

Propos recueillis par Willy Bracciano


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