Mélanie Péclat (Radio Campus) – « Nous avons fait le choix de la liberté et prenons des risques quotidiennement »

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Quel est votre parcours ?
Mélanie Péclat : Je suis arrivée à la radio un peu par hasard. C’était il y a trois ans et demi. J’étais alors étudiante en philosophie à la Sorbonne et secrétaire d’une association de philosophie politique. Lors d’une réinscription à la Maison des initiatives étudiantes (MIE), j’ai rencontré le président de Radio Campus Paris de l’époque, Jean-Baptiste Prévot, qui m’a proposé de créer avec lui une émission de sciences humaines et sociales. J’ai tout de suite accepté cette proposition. On a travaillé ensemble sur le concept de l’émission durant l’été et j’ai intégré Radio Campus Paris en septembre 2010.
Très vite, j’ai eu envie de tout apprendre : de la prise de son à la réalisation technique d’une émission, en passant par le montage et l’écriture radiophonique. Je me suis essayée à tout et continue de pratiquer autant que possible tous les métiers de la radio. C’est le gros avantage d’une radio associative. Personne n’est jamais cantonné à un seul rôle, chacun peut toucher à tout.
Après avoir animé, réalisé, chroniqué, et fait des reportages dans des émissions scientifiques et culturelles, j’ai eu envie de participer au fonctionnement global de Radio Campus Paris et ai rejoint son bureau, au poste de vice-présidente. Ce rôle m’a énormément plu, même s’il n’était pas facile au départ. Il fallait intégrer un certain nombre de connaissances pratiques, aussi bien du côté de la technique radiophonique pure que de la gestion d’une structure : ressources humaines, recherche de subventions, direction de projets etc.
Après mon expérience de vice-présidente, j’ai candidaté au poste de présidente, auquel j’ai été élue par les bénévoles de Radio Campus Paris en juin 2013. Je suis assez fière d’être la première femme présidente de cette radio.

Quelles relations entretenez-vous avec les membres du réseau Radio Campus France ?
Mélanie Péclat : Nous avons de très bonnes relations avec le réseau Radio Campus France et les radios qui le composent. Même si nous ne nous voyons que très peu, nous sommes très régulièrement en contact avec les différentes radios, que ce soit pour échanger des programmes ou construire des projets communs.
Par ailleurs, le réseau fonctionne comme une grande association, avec un bureau, un CA et des salariés. Nous travaillons très régulièrement avec les deux salariés, Nicolas Horber et Ghislain Chantepie, sur des projets ponctuels, comme l’émission que nous avons produite et réalisée pour les 50 ans de France Culture au Palais de Tokyo, ou des projets sur le long terme, comme les émissions que Radio Campus France organise tous les mois au Parlement européen.
Radio Campus Paris siège au conseil d’administration de Radio Campus France, et notre secrétaire, Charles-Henri Despeignes, en est le vice-président.

Plusieurs dizaines – voire centaines – de personnes collaborent à la réalisation des programmes. Qui sont-elles ?
Mélanie Péclat : Radio Campus Paris a pour mission de former les étudiants qui le souhaitent aux techniques radiophoniques. Chaque année, nous accueillons une quarantaine de nouveaux bénévoles, qui nous rejoignent soit par passion pour le média radio, soit en complément d’une formation de journaliste, soit parce qu’ils ont simplement des choses à dire.
Nous n’avons pas de bénévole type. Tous sont différents. On peut y trouver aussi bien de très jeunes étudiants intéressés par le média radio, ou qui ont simplement envie de partager une passion, des étudiants un peu plus âgés, mais aussi des « anciens » – ceux qui ont rejoint Radio Campus Paris alors qu’ils étaient étudiants et qui ne veulent plus partir….
Nos bénévoles n’ont pas nécessairement une formation de journaliste – et n’ont d’ailleurs pas nécessairement prétention à le devenir. Pour certains d’entre eux, la radio est un hobby. Pour d’autres, une manière d’intégrer le monde des médias et de s’essayer au journalisme radio.
Aujourd’hui, on a environ 250 bénévoles, dont une majorité d’étudiants dans tous les domaines, qui produisent les 60 émissions musicales et rédactionnelles qui composent notre grille d’antenne.

Est-il évident de coordonner ces équipes ?
Mélanie Péclat : Il faudrait poser la question à notre directeur d’antenne, Corentin Kerdraon ! Bien que Radio Campus Paris soit une radio associative, gérée par un bureau et un conseil d’administration, elle fonctionne surtout grâce à son équipe permanente, composée de quatre salariés : Corentin Kerdraon, Thibaud Delavigne, chargé du développement, Hélène Boubée, chargée de la communication et Victor Testier, chargé de la technique. Ces quatre salariés sont aidés par trois volontaires civiques 9 mois par an. Le CA est chargé de donner les grandes orientations de l’association, tandis que le bureau (composé de Charlène Nouyoux, Charles-Henri Despeignes, Félix Patiès et moi-même), suit au jour le jour l’avancée des différents projets. Nous avons fait le choix de déléguer une partie de notre pouvoir à l’équipe salariée, dont la mission n’est plus simplement d’exécuter les demandes du bureau et du CA, mais d’être force de proposition.
Nous faisons entièrement confiance à notre équipe salariée, et la laissons gérer la radio. Ce qui n’est pas toujours évident pour elle. Quatre salariés, trois volontaires civiques pour faire tourner une radio de 250 bénévoles au quotidien, ça fait beaucoup de travail. Mais nous avons la chance d’avoir des salariés très motivés et compétents.
Par ailleurs, le nombre restreint de salariés nous amène à faire confiance à nos bénévoles. Cette confiance, nous la rendons possible d’abord par le biais d’une formation initiale aux techniques radiophoniques délivrée aux nouveaux arrivants, puis d’une formation continue tout au long de l’année. Très vite, les bénévoles sont autonomes et sont en capacité de produire des émissions de qualité.

Au-delà de Nova, qui incarne aussi la curiosité et la découverte musicale, qui sont vos concurrents ?
Mélanie Péclat : Je ne pense pas que nous ayons des concurrents à proprement parler. Nous évoluons sur un terrain bien particulier, celui de la curiosité et de la découverte, comme vous le dites, mais pas seulement dans le domaine musical. Nous sommes une radio généraliste, curieuse et toujours dans la recherche de nouveautés au sens large. « Pointue » et « décalée », ce sont les adjectifs que l’on a retenus pour qualifier Radio Campus Paris, et ce, dans tous les domaines.
Notre programmation musicale est très éclectique et nos trois programmateurs, Florent Taillandier, Aymeric Martin et Jonathan Melgar, sont bénévoles. Ils écoutent énormément de choses et ne programment que des artistes indépendants ou signés sur des petits labels. Il en va de même dans nos émissions rédactionnelles ; nous cherchons avant tout à donner la parole à ceux qui ne l’ont habituellement pas dans les autres médias.
Le fait de ne pas dépendre des revenus publicitaires nous laisse très libres de la musique qu’on programme, mais aussi des spectacles, des films, des concerts qu’on relaie sur notre antenne. Pour moi, cette liberté est un vrai luxe, qui n’est possible que dans les radios associatives.

Avec quel oeil regardez-vous les autres radios ? Quel regard portez-vous sur les sondages Médiamétrie ?
Mélanie Péclat : J’écoute beaucoup la radio, avec une préférence pour la radio publique (et une radio suisse – Couleur 3 – à laquelle je suis très attachée. Ayant grandi en Suisse, cette radio m’a accompagnée tout au long de mon adolescence.)
Je crois qu’avec le temps, je suis devenue assez exigeante. Il est difficile d’avoir un avis général sur les autres radios, tant le paysage radiophonique est éclectique, mais je rejette par principe les radios qui, selon moi, participent de la massification de la culture. J’aime les radios qui n’ont pas peur de prendre des risques et malheureusement, je trouve que c’est de plus en plus rare aujourd’hui, même sur le service public. C’est bien dommage.
Bien entendu, je m’intéresse aux sondages Médiamétrie, mais ils servent une économie à laquelle nous ne souhaitons pas participer. La finalité des enquêtes Médiamétrie, à savoir la vente d’espaces publicitaires, ne nous concernent pas, puisque nous tenons à ne pas faire de publicité sur notre antenne.
Par ailleurs, nous ne sommes pas dans une course à la concurrence ; nous ne cherchons pas à nous positionner sur le marché audiovisuel. Ce qui compte pour nous c’est de proposer une radio alternative et de qualité, portée par des amateurs, au sens noble du terme. Nous avons fait le choix de la liberté et prenons des risques quotidiennement, en nous positionnant toujours un peu « à côté ».

Combien de personnes vous écoutent chaque jour ? Quelle est la répartition de l’audience ?
Mélanie Péclat : Nous ne savons pas exactement combien de personnes nous écoutent chaque jour, et ne connaissons pas la répartition de notre audience. Non pas que cela ne nous intéresse pas, mais nous avons fait le choix d’investir l’argent que nous pourrions dédier aux enquêtes Médiamétrie dans le développement de notre structure, la réalisation de projets ou l’achat de nouveau matériel.
Selon la dernière enquête Médiamétrie que nous avons réalisée en 2009, nous avions environ 80 000 auditeurs/ semaine, dans toute l’Ile de France. Je pense que ces cinq dernières années, de nouveaux auditeurs nous ont rejoints !
Par ailleurs, 30 000 internautes visitent chaque mois notre site internet, téléchargent et écoutent les podcasts de nos émissions.

De quelle façon entendez-vous développer l’audience de Radio Campus ?
Mélanie Péclat : En continuant à proposer des programmes pointus, décalés et de qualité. En allant directement au contact des étudiants d’Ile de France, en organisant des plateaux dans leurs universités, ou en leur proposant des formations aux techniques radiophoniques par le biais de notre programme « Tour des Facs », que nous avons monté il y a deux ans.
En sortant de nos murs pour faire de la radio dans des salles de concert, de théâtre, dans des musées, et partout où il y a une connexion internet.
En continuant à développer des partenariats avec des institutions franciliennes, telles que le Musée de Quai Branly, le Palais de Tokyo, l’Opéra Comique, La Machine du Moulin Rouge, L’Espace B et bien d’autres encore. En montant des projets un peu fous et risqués, mais qui nous tiennent beaucoup à coeur, comme le Festival de jeune création radiophonique qui aura lieu du 15-19 avril au théâtre La Loge, à la MIE (Maison des initiatives étudiantes) et sur notre antenne.


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