Olivier Poivre d’Arvor (France Culture) – « Il faut passer à une nouvelle étape »

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Radioactu : Comment accueillez-vous les chiffres de France Culture : 2,3% AC et 1,6%PDA ?
Olivier Poivre d’Arvor : C’est le record historique de la chaîne depuis sa création, en 1963. Nous n’avions jamais atteint 2,3% d’audience cumulée. Sur ce segment de janvier-mars, c’est un record à attribuer à la nouvelle équipe de France Culture. Quand nous sommes arrivés en 2010, nous étions à 1,5% et nous avons progressé régulièrement sur cette tranche : 1,7% en 2011, 1,9% en 2012, 2% en 2013, 2,1% en 2014 et 2,3% aujourd’hui. Nous voyons qu’il y a une progression profonde et durable avec près de 50% d’auditeurs en plus sur ce trimestre en 5 ans.

Malgré les 9 jours de grève qui ont beaucoup affecté France Culture – environ 90% de nos programmes n’ont pas été diffusés – nous voyons bien, et je crois que c’est un signe très fort pour l’avenir de Radio France et sur ce que le groupe doit être, qu’il faut être une radio d’offre et ne pas plier au diktat de la demande, avec de la qualité et du service public. Ici à France Culture, nous sommes à la fois confortés dans notre manière de faire, un peu exigeante, un peu austère parfois, mais en tout cas qui ne flatte pas l’opinion, mais qui permet à des opinions de s’exprimer dans un cadre assez rare aujourd’hui, c’est à dire du temps et une grande impartialité, dans tous les sens possibles : pas d’opinions clivantes, mais des débats et des arguments.

Radioactu : À quoi attribuez-vous plus exactement cette montée régulière de France Culture dans les sondages ?
Olivier Poivre d’Arvor : Il y a deux choses : en premier lieu, au travail de l’équipe que j’anime. Ce qui est nouveau dans la manière dont nous travaillons, c’est que jusqu’à il y a encore quelques années, France Culture était constituée de deux offres différentes : une offre de journaliste, d’information, avec des journaux, et une offre de programmes avec des intellectuels qui faisaient de la radio.

J’ai essayé, avec Sandrine Treiner, la directrice adjointe de la chaîne, de créer la rencontre entre ces deux éléments, l’actualité et le traitement des savoirs et de la connaissance. Je pense y avoir ajouté mon propre parcours – je suis diplomate, j’étais en charge des dimensions culturelles au Quai d’Orsay pendant 10 ans – je pense que nous avons ouvert la radio à une dimension mondiale et que France Culture aujourd’hui n’est pas restreinte à l’Hexagone, mais qu’elle s’ouvre au monde. Les auditeurs y sont sensibles.

Le deuxième élément, qui nous dépasse un peu, est qu’il y a une demande sociale très forte, un effet miroir à ce que d’autres chaînes proposent, à savoir du commentaire à tout va, rapide, des images immédiates, une sur-information… Il y a une demande forte pour une radio comme la notre, car les auditeurs ne se suffisent pas de ce flot continu. Ils ont envie de trouver un média qui les aide à réfléchir et à comprendre, qui n’impose pas des opinions pré-mâchées et qui simplement respecte profondément leur intelligence.

Je regarde beaucoup les autres programmes et ils martèlent les opinions, c’est ainsi qu’on finit par croire ce que les gens disent. Nous sommes plus dans l’interrogation, nous faisons venir des experts, qui n’ont rien à vendre. Nous invitons peu de politiques, qui sont des marchands du temple et qui proposent des idées courtes pour des réactions à très courte échéance.

Nous avons donc une offre très mixée d’actualité et de programmes, tournée vers le monde, et une demande très forte de la part des auditeurs d’entendre autre chose. Ces auditeurs qui n’ont pas forcément envie, comme on nous le raconte partout, de parler eux-mêmes. Il ne faut pas croire que c’est parce qu’on donne la parole aux auditeurs qu’ils nous écoutent. On doit être une des seules radios qui ne donne pas la parole à ses auditeurs.

Radioactu : Pensez-vous que la grève à Radio France impactera les prochains sondages ?
Olivier Poivre d’Arvor : C’est possible. France Culture a été très touchée par la grève, environ 90% de nos programmes n’ont pas été diffusés, nous n’avons eu en 28 jours que trois matinales diffusées. Mais je ne veux pas faire de lien entre des résultats et un mouvement : ce qui peut être – y compris vu de la direction – mis au solde positif d’un mouvement, c’est qu’il nous convainc les uns les autres, tous ensemble, solidaires, les 4 600 personnes de ce groupe, qu’il faut faire une offre de qualité et de service public. Je crois qu’on partage tous ce point de vue. Mathieu Gallet m’a toujours rassuré sur le fait que j’aurai les moyens de cette politique là.

Radioactu : Hier, mardi 14 avril, quatre syndicats ont appelé à la reprise du travail. Quel est votre sentiment après cette grève, en tant que président de France Culture ?
Olivier Poivre d’Arvor : Il y a des moments de l’histoire où des expressions sont nécessaires, parfois contrôlées, mais nécessaires. C’est douloureux dans ce moment unique dans l’histoire de Radio France, mais en tout cas ce que je veux sur ma chaîne, c’est que, dès que nous serons sortis de la grève – je pense que c’est pour bientôt – nous puissions travailler ensemble très solidairement. Tous les gens ici, quel que soit leur niveau d’emploi et leur métier, aiment le groupe et cette offre là. Il faut passer à une nouvelle étape, dans un nouveau contexte économique et à l’heure de l’internet et du numérique. Il ne faut pas qu’on rate ça. Le temps du projet est venu.


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