Oüi FM – Entretien avec Michaël Gentile

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RadioActu : L’une des spécificités de Oüi FM est d’être, à l’exception notable du Mouv’, la seule station parisienne clairement positionnée sur un format rock…
Michael Gentile : Oui. Au niveau national il y a les radios de la Férarock qui essaient d’exister tant bien que mal, il y a Le Mouv’ aujourd’hui, mais en Ile-de-France nous sommes la seule radio qui a un format délibérément et constamment rock, puisque c’est le format initial de la radio, créée en 1987 et qui n’a pas dévié. Le rock a évolué, mais Oüi FM a gardé son format et n’en changera pas. La radio a été construite sur ces bases là : elle est musicalement de parti pris, qui a des convictions, qui n’a pas fait un choix de format par opportunisme. Tous les gens qui travaillent dans cette radio aiment passionnément la musique que l’on programme et que l’on défend, aussi bien les gens d’antenne que les autres. C’est l’élément fondateur à la fois de l’histoire de Oüi FM, de son présent et de son futur. Si Oüi FM existe toujours dans 10 ans, elle sera toujours rock.

RA : Mais bien qu’étant historiquement la radio rock parisienne par excellence, votre audience reste inférieure à des stations parisiennes telles que Ado et l’audience est en recul sur la dernière vague. Est-ce que cela ne signifie pas que le rock est aujourd’hui moins fédérateur qu’il y a quelques années ?
MG : Je ne suis pas d’accord. Selon les sondages, on est devant ou on est derrière ! Oüi FM se situe entre 4 et 5 points depuis environ 2 ans. Quand je suis arrivé, Oüi FM était en dessous des deux points. L’enjeu était de redéfinir notre territoire musical pour être à la fois sensible aux choses nouvelles et avoir une définition du rock qui ne soit pas trop fermée et réductrice. Je pense que notre travail, Notre audience a constamment progressé depuis 3 ansconjugué au dynamisme et au renouveau de ce courant musical a fait que notre audience a progressé constamment depuis 3 ans jusqu’à arriver à un très beau pic, plus de 5 points d’audience l’été dernier. Nous avons légèrement baissé sur les 4 derniers mois. Peut être parce que nous n’avons pas assez renouvelé notre antenne, avec en plus un sentiment d’usure à la rentrée. Nous avons recadré les choses depuis et je m’attends à une remontée de l’audience. Je crois que ce qui était très spécifique à Oüi FM il y a encore un an est aujourd’hui un territoire partagé, non seulement avec Le Mouv’, mais Europe 2 qui s’était également clairement positionnée sur un format pop très proche du nôtre, et RTL2 qui se revendique pop-rock ! Les territoires musicaux sont sensiblement les mêmes, avec des variantes. Oüi FM est plus ouverte sur les nouveaux courants et les nouveaux artistes que RTL2 ou feu l’ancien format d’Europe 2. La bonne chose c’est que notre format est plus familier à l’auditeur, mais nous ne sommes plus exclusifs.

RA : Comment se positionne aujourd’hui Oüi FM, entre le désir d’aller vers les nouveaux talents et le besoin des auditeurs d’être fidélisés par des valeurs sûres ?
MG : C’est une mayonnaise. Quand on dépasse 4 points d’audience, il faut beaucoup de doigté pour à la fois conforter l’audience et offrir aux auditeurs ce qu’ils ont envie d’entendre. Par exemple, on ne pas faire l’impasse sur le nouveau U2 ou des gros artistes de ce type. En même temps, la vocation de Oüi FM est aussi de faire découvrir la nouvelle scène rock, pop-rock, pop-indé, un peu métal. Il faut savoir doser de la nouveauté, qui est très importante chez nous, des artistes plus difficiles à programmer et les historiques. En restant le plus homogène et cohérent possible, nous devons balayer l’éventail de ce qui nous semble intéressant dans le rock d’aujourd’hui. Nous sommes positionnés sur le modern rock, et nous ne jouons pas la carte de la nostalgie.

RA : Les maisons de disques ont aussi un rôle à jouer, puisque Oüi FM fait un travail de fond dans la découverte des nouveaux talents. Quelles sont vos relations avec elles ?
MG : Nous avons des relations courtoises et professionnelles. Je ne jette pas la pierre aux maisons de disques en pensant qu’elles ne font pas leur travail. Il y a beaucoup de choses intéressantes, mais en même temps elles signent ce qu’elles peuvent. Si on prend une major, on peut avoir à la fois Star Academy et signer un artiste un peu plus pointu. Donc je n’ai pas envie de porter un jugement, c’est vraiment un autre métier. Nous on fait avec le paysage musical du moment. Parfois nous allons plus vite que la maison de disques, parfois nous travaillons directement avec elle, avec des indépendants. Nous diffusons aussi des artistes auto-produits. Je ne peux pas dire qu’il n’y a rien d’intéressant chez les maisons de disques car ce n’est pas vrai.

RA : La scène française est riche, mais si Oüi FM n’allait pas vers ces artistes, est-ce que les maisons de disques auraient vraiment l’envie de faire cette démarche ? La vraie question est de savoir si la radio n’est pas plus découvreur de nouveaux talents que ne le sont les maisons de disques ?
MG : Les maisons de disques sont quand même un gang de pleureuses. Elles passent leur temps à se lamenter en disant que les radios ne prennent aucun risque, qu’elles jouent la sécurité, le conservatisme avec des playlists réduites, et en même temps elles ont un double langage : elles vont dans le sens des gros réseaux nationaux, ceux là même qu’ils critiquent, en leur donnant des avantages, des exclusivités, des partenariats, des campagnes de pub. On ne peut pas à la fois se plaindre et fournir la corde avec laquelle on va être pendu. Il y a un double discours qui m’irrite. Si on fait un travail qui est important pour eux, il faut nous soutenir et nous aider et pas favoriser systématiquement les plus gros. Je m’aperçois que les maisons de disques se plaignent souvent, mais à l’arrivée elles sont un peu responsables de cette situation. Elles ont nourri des stations comme NRJ et aujourd’hui elles ont le retour de leur politique.

RA : Comment réagissez-vous lorsque vous avez été starter sur certains artistes et qui sont ensuite récupérés par les gros réseaux ?
MG : Ca me désole en même temps je comprends, parce qu’une fois qu’il y a eu les médias prescripteurs, dans lesquels j’inclus Oüi FM et d’autres, les maisons de disques se disent que ce serait bien d’avoir un gros réseau. C’est l’addition de tout ça qui fait que le disque va sortir de son potentiel de découverte pour aller vers un plus large public.

RA : Est-ce que les relations que vous avez avec les maisons de disques ne sont pas aussi liées à la notoriété de la station ? Oüi FM se donne t’elle les moyens de communiquer ?
MG : Est-ce que la notoriété c’est de mettre des 4 X 3 partout dans Paris pour dire qu’il faut se rallier ? Je ne suis pas sûr. Pour moi, la notoriété qui compte c’est le choix des auditeurs. Si on arrive à avoir près de 500 000 auditeurs sans investir dans des campagnes massives, ce qui ne nous apporterait pas grand chose, je préfère avoir une politique de proximité, de terrain, vis-à-vis de nos auditeurs. Nous n’avons pas les moyens d’un grand réseau national en terme de communication, mais on s’en sort pas plus mal. En Ile-de-France, il y a une vrai réactivité : les radios peuvent progresser, baisser… Je pense que c’est l’antenne qui fait le succès d’une radio. On peut effectivement avoir besoin d’un renfort promotionnel, mais nous sommes passés de 1.5 à 5.2 points pratiquement sans communiquer. Nous communiquons dans la presse qui est lue par ceux que nous voulons toucher, nous sommes présents sur le concerts, le cinéma. Faire du 4 X 3 n’a aucune utilité pour nous.

RA : En décembre, Le Mouv’ a commencé à diffuser à Paris. C’est une concurrence frontale pour Oüi FM. Comment avez-vous réagi face à ce nouveau challenger ?
MG : Je pense que les auditeurs jugeront et feront leur choix. Je ne veux pas rentrer dans une bagarre avec Le Mouv’ sur la légitimité du format car c’est un combat de nonnes dans une flaque d’eau. La question de fond est de savoir quel est le rôle du service public dans le paysage radiophonique. Pour moi, ce rôle était très clair, lorsque je vois l’offre publique qui va de France Bleu à FIP, en passant par La mission du Mouv’ est floueFrance Info, France Inter, France Culture, France Musiques. Avec Le Mouv’, je pense que la mission est plus floue. Cette station n’apporte pas une offre spécifique à ce qui existe déjà. C’était la vocation du Mouv’ au début et visiblement ça n’a pas marché, donc ils se sont positionnés sur Oüi FM parce que ça marche. C’est un comportement de radio privée avec tout ce que cela entraîne d’opportunisme. Est-ce vraiment le rôle du service public ? Je ne pense pas, mais encore une fois je renvoie ça aux auditeurs, aux politiques et au CSA. A partir du moment où on a donné à Radio France la possibilité de faire Le Mouv’ et qu’ils ont des droits et des moyens que nous n’avons pas, qu’ils obtiennent comme ils le veulent des fréquences, ce n’est plus de mon ressort.

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