Radio – La diversité musicale oppose toujours les majors aux radios

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Les rapports entre les radios musicale et l’industrie de la filière musicale sont toujours aussi tendus. Depuis le mois de janvier, radios et majors se déchirent autour de la question du respect des quotas de chansons francophones imposés depuis 1996 aux radios françaises. Le CSA s’est jusqu’à présent révélé impuissant à résoudre la crise qui oppose les radios à l’industrie du disque, en dépit de la création d’un groupe de travail permanent sur la musique et d’une table ronde organisée en mai dernier sur ce thème. « La concertation en cours a pour but d’étudier les mesures permettant de faciliter et de garantir la diffusion de la chanson d’expression française dans toute sa diversité sur les antennes des radios », s’est contenté d’indiquer le CSA, dans un style on ne peut plus langue de bois. Depuis, le dossier est au point mort, mais les hostilités ont repris de plus belle entre les majors et les radios musicales. Selon les acteurs de la filière musicale, la question de la diversité musicale est « un enjeu culturel majeur qui dépasse largement le considérations économiques ». Ils en appellent à Frédéric Mitterrand, Ministre de la Culture et de la Communication, et au CSA pour que « l’esprit de la loi sur les quotas ne soit plus dévoyé, mais également pour conduire les radios à introduire plus de diversité dans leur programmation musicale ».

Des propos qui ont suscité une vive inquiétude dans les rangs des radios musicales. Les stations musicales nationales – à l’exception de Skyrock – réunies au sein du SRN, mais également les radios musicales régionales réunies au sein du SIRTI, qui estiment que l’industrie du disque tente d’obtenir des pouvoirs publics « une mise sous tutelle des antennes de radios en France par un renforcement de leurs obligations de diffusions de titres francophones ». Elles ajoutent que « par ce lobbying trompeur, l’industrie du disque cherche à désigner les radios comme coupables de l’appauvrissement de la production francophone, alors que la responsabilité en incombe totalement à l’édition et à la production musicale ». Selon des chiffres fournis par le SRN, entre 1999 et 2009, la production de singles francophones a chuté de 76%, tandis que la production d’albums francophones a reculé de 49%. Sur cette même période, les radios précisent que le nombre d’artistes francophones commercialisé est passé de 402 à 205. Elles indiquent également qu’entre 2000 et 2010, le solde de nouvelles signatures d’artistes francophones a diminué de 66%, passant de 74 à 24, et ce « en dépit des aides publiques et parapubliques à la production dont bénéficié la filière du disque ».

Des chiffres contestés par l’industrie musicale, qui affirme que les producteurs ont envoyé 713 nouvelles productions francophones aux radios en 2010, tandis que la progression de l’envoi aux radios de titres du répertoire francophone est en progression de 34% par rapport à 2009. Selon l’industrie du disque, 90% des diffusions de nouveautés francophones en radio ont été concentrées sur 15 titres, ajoutant que « moins de 2% des nouveautés francophones ont fait l’objet d’une diffusion significative sur les radios musicales ». Alors que tous les observateurs s’accordent à reconnaître l’importance d’une diffusion radio dans la vie d’un titre ou d’un artiste, l’industrie musicale estime désormais que « dans leur grande majorité, les radios ne sont plus le principal vecteur de découverte qu’elles ont été pendant longtemps ». Des propos qui ne devraient pas contribuer à ramener un semblant de sérénité entre les majors et les dirigeants des stations françaises. La filière musicale s’est par ailleurs défendue de souhaiter une mise sous tutelle des radios musicales, mais estime « qu’un minimum de régulation se justifie parfaitement à cet égard ».

De leur côté, le SRN et le SIRTI estiment qu’il est « singulier que l’industrie musicale accuse les radios d’une concentration de la diffusion des chansons francophones, alors que c’est elle qui a ainsi comprimé la production de titres et d’artistes différents ». Les radios musicales estiment qu’elles « remplissent leurs engagements », et ce « malgré la raréfaction des titres francophones qui révèle la démission des producteurs de phonogrammes ». Elles ajoutent que « l’exposition de la chanson francophone est très largement assurée » sur leurs antennes et estiment que « on ne surmontera pas les défis industriels de l’Internet en pénalisant les radios musicales », estimant que « c’est en réalité la défense d’intérêts économique catégoriels qui est en cause ». Les radios musicales ajoutent que « de tels intérêts ne peuvent en aucun justifier quelque restriction que ce soit à la liberté éditoriale des radios en France ». Dans ce climat délétère, où l’industrie du disque rêve de prendre en main la programmation musicale des radios et où ces dernières tentent de séduire et conserver un public toujours plus volatile, faudra t-il en arriver à à un règlement en justice de l’application des quotas francophones ? Cette question est bien moins saugrenue qu’il n’y paraît. En effet, à Québec, en décembre dernier, l’ADISQ (Association des producteurs de disques et de spectacles du Québec) a porté plainte auprès du CRTC, équivalent québecois du CSA contre 11 stations qui n’auraient pas respecté les quotas francophones à la radio.


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