Radio – Pierre Bellanger, Marc Tessier et Sylvain Anichini enterrent la RNT

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Dans une tribune publiée ce mardi 14 septembre sur Lepoint.fr, Pierre Bellanger, PDG de Skyrock, Marc Tessier, président de Vidéo Futur mais également membre du conseil de surveillance de RTL et Sylvain Anichini, ancien directeur technique de Radio France, ont offert un enterrement de première classe à la RNT. Sans attendre les premières conclusions, prévues pour fin septembre 2010, du rapport Kessler commandé par le Premier Ministre, ils estiment que « la RNT est dans l’impasse » et que « l’éventualité de son abandon n’est désormais plus taboue ». Au fil de cette tribune, ils développent une série d’arguments pour démontrer la supériorité d’un modèle privilégiant une diffusion de la radio sur IP et en FM. Au prix de quelques contorsions. S’il est indéniable que l’IP prend une place de plus en plus en importante dans le mode de diffusion de la radio, mais aussi de la télévision, il n’en reste pas moins que l’écoute de la radio hertzienne traditionnelle reste sans conteste le mode le plus largement utilisé par les auditeurs. Sur la question de la diffusion, les auteurs de la tribune expliquent qu' »on peut concevoir une radio IP sans diffusion numérique terrestre, l’inverse n’est plus possible ». Ils s’opposent également à un éventuel arrêt de la diffusion analogique en FM, estimant que « rien ne saurait justifier une telle décision », car « la RNT est une régression en terme de qualité de diffusion par rapport à la FM et en termes de programmes par rapport à la radio sur IP ». Or, dans son rapport, Marc Tessier faisait la démonstration inverse, et écrivait que « l’arrêt de la diffusion FM est une ardente obligation du projet (…) S’il est sans doute trop tôt pour retenir une date d’arrêt définitive, l’objectif doit cependant être réaffirmé et accepté par tous, et cela dans une perspective de temps comprise entre 2019 et 2021 ».

Si les positions de Pierre Bellanger en matière de radio sur IP ont toujours été claires (voir la vidéo ci-dessous), cette tribune n’hésite pas en revanche à prendre le contre-pied du propre rapport rédigé par Marc Tessier en novembre 2009, dont certains passages étaient déjà très largement inspirés par les travaux et la réflexion menés par Pierre Bellanger. Ainsi, Marc Tessier écrivait dans son rapport que « la création d’un petit nombre de radios nouvelles » et « l’extension de la couverture des autres » constitue « un atout incontestable du projet ». Il ajoutait que, avec la RNT, « l’offre radiophonique d’ensemble augmentera de 40 à 45%, en tenant compte des nouveaux services autorisés par le CSA ». À contrario, la tribune cosignée par Marc Tessier explique à présent que « la RNT n’accroit que marginalement l’offre de programmes ». Marc Tessier écrivait également dans son rapport qu' »il y a donc une incohérence à affirmer que l’offre en diffusion analogique serait trop nombreuse et, dans le même temps, à vouloir évoluer avec assurance au milieu d’une offre infinie sur internet ». Aujourd’hui, l’un des objets de cette tribune est de démontrer que la radio sur IP permet à l’auditeur d’accéder à une offre quasiment infinie de programmes.

Reste la question de la gratuité, élément fondamental de la réception de la radio. La radio sur IP implique obligatoirement de souscrire un forfait Internet fixe ou mobile, voire les deux. Avant d’expliquer que la FM comme la radio sur IP utilisent une source électrique « qui n’est gratuite ni pour l’une ni pour l’autre », les auteurs de la tribune expliquent que « l’écoute de la radio sur IP n’entraîne pas de paiement supplémentaire pour l’usager ». Certes, mais de nombreux opérateurs télécoms ont tendance à brider le débit de leurs usagers les plus gourmands en bande passante, ce qui réduit considérablement la qualité audio du flux. Ils ajoutent que « la radio (…) n’a pas coûts particuliers significatifs », tout en prenant soin de préciser que « ce raisonnement ne vaut que sur Internet est une liberté fondamentale et un bien commun, et si les forfaits sont accessibles à tous comme des biens essentiels tels que l’eau ou l’électricité ».

Ils font également le pari d’une baisse des coûts de la bande passante qui rendrait à partir de 2015 le coût d’une diffusion IP d’un réseau national équivalent à celle d’une couverture de 90% du territoire en RNT. Néanmoins, à l’heure actuelle, si la consommation sur IP de la radio est un mode d’écoute en développement constant, elle n’en reste pas moins encore relativement marginale et complémentaire à la FM. Les auteurs de la tribune ajoutent que si le coût de diffusion sur IP peut représenter une difficulté pour certaines radios, elles peuvent se tourner vers le service Live Radio d’Orange, expliquant que « toutes les radios qui le souhaitent peuvent être diffusées gratuitement sur ce service ». En réalité, le service Live Radio n’assure que le référencement des stations, les frais de streaming et de bande passante liés à la diffusion sur IP de leurs programmes restent à la charge des stations. Par ailleurs, les auteurs de la tribune suggèrent la création d’un fonds de modernisation de la radio dont le financement serait assuré par la cession des fréquences des bandes III et L. « Ce fonds financerait une vraie réforme du plan de fréquences FM », qui doit être « repensé globalement », estiment-ils. Ils souhaitent que la radio du futur fasse l’objet d’une loi qui puisse aborder la question de la neutralité des réseaux ou encore l’ajustement démographique des seuils anti-concentration.

Enfin, les auteurs de cette tribune évoquent la possibilité de faire appel à un système de réception satellitaire directe en cours d’élaboration et qui pourrait compléter une diffusion FM et IP de la radio. Ils expliquent que cette radio numérique satellitaire « permettrait de servir 100% du territoire et de la population ». Elle associe un satellite et des émetteurs relais sur la bande S et « serait complémentaire des réseaux existants ». Or, ce dispositif est très précisément celui que la société l’Onde Numérique, basée à Toulouse, développe depuis plusieurs mois. Il s’agit en réalité de mettre en place la diffusion d’un bouquet d’une cinquantaine de radios accessibles sur abonnement pour une dizaine d’euros par mois. Sylvain Anichini (photo ci-contre), qui a cosigné cette tribune, et qui a en son temps oeuvré pour l’adoption du T-DMB, n’est autre que l’un des membres du comité stratégique de l’Onde Numérique qui développe cette offre de radio satellitaire.

En tout état de cause, si la RNT traverse indéniablement une zone d’incertitudes et de doutes née des volte-face et de la valse-hésitation des grands opérateurs nationaux et régionaux et des politiques menées en la matière depuis plusieurs années, alors que le même temps le développement fulgurant des technologies de diffusion sur IP tend à rendre la RNT de plus en plus anachronique, il n’en reste pas moins que si la radio est aujourd’hui dans une « impasse », ce n’est peut être pas tant une question de technologies, mais davantage en raison de la volonté non avouée des opérateurs privés de défendre leur pré carré hertzien actuel et d’en limiter le nombre d’acteurs. La crise que traverse actuellement l’industrie du disque, qui n’a pas su appréhender la déferlante Internet et le phénomène de téléchargement de la musique, est peut-être celle qui guette désormais les opérateurs hertziens traditionnels de la radio.

Téléchargez l’intégralité de cette tribune (pdf, 6 pages), cliquez ici.

Radioactu Pierre Bellanger 03 La RNT et la Radio sur IPLa RNT et la radio sur IP – Pierre Bellanger – 30/04/2010


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