RMC – Entretien avec Frank Lanoux

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RadioActu : Le phénomène marquant de cette vague est le recul de l’audience de la radio en général. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
Frank Lanoux : Cette baisse est liée à la saison. Nous savons très bien que cette période est perturbée. Nous n’obtenons pas le même volume d’audience en avril-mai-juin qu’en septembre-octobre. Plus globalement, que certains publics aient d’autres moyens d’écouter de la musique, cela a des répercussions sur l’audience des radios musicales. Même si ce n’est pas à moi de le dire, je pense que cela joue. Là dessus, nous pouvons voir le rôle que joue Internet, les MP3 ou les consoles de jeux. Ce qui est embêtant c’est que cela arrive aussi à des radios d’information et de contenu. Cela n’est pas normal, surtout dans une période où il s’est passé beaucoup de choses aussi bien en politique qu’en sport. Que cela arrive donc à des radios de contenus, c’est différent. C’est d’autant plus différent que RMC, elle, a une histoire qui est contraire à ces phénomènes lourds. Dans cette période là, nous avons peut-être moins d’explications que pour les radios musicales. Surtout qu’il y en a une qui marche et qui se développe plus vite, c’est RMC. Ce n’est pas à moi d’analyser s’il y a des contre performances dans les radios musicales ou dans les radios concurrentes. La question est difficile.

RA : Pour Jean-Paul Cluzel, la radio connaît un problème d’insertion dans l’univers multimédia. Cela rejoint un peu ce que vous dîtes…
F. L . : La radio travaille sur sa numérisation depuis près de 16 ans. Je suis rentré au club DAB en 1992, qui a certainement être du crée en 1991. Donc cela fait 15 ans que la profession travaille sur la radio numérique et n’y parvient pas. Pendant ce temps là, elle a réussi à numériser la photo, le texte, la comptabilité, la télévision, l’image, la communication, le téléphone. Tout y est passé, sauf la radio. Donc ce que dit M. Cluzel est pertinent. En effet, il est possible que pour les jeunes la radio soit perçue différemment. La radio aujourd’hui n’est pas numérique. Les jeunes peuvent se téléphoner, s’échanger des photos, tchatcher, et tout cela en numérique. Alors que pour la radio, il faut avoir un transistor à côté.

RA : Parlons plus précisément de RMC qui est la seule radio à progresser dans l’univers des généralistes. Vous avez profité de l’effet de la Coupe du Monde. Pensez-vous alors que cette montée est ponctuelle ou êtes-vous vraiment inscrit dans un mouvement constant de progression ?
F. L . : Tout d’abord, la radio repose sur une habitude d’écoute, et il faut du temps pour la construire. RMC, qui a débuté sa réforme il y a 5 ans et qui connaît là son 25ème sondage consécutif à la hausse, est donc toujours en train de reconstituer une audience qui correspond à son poids de forme. Moi je me bats tous les jours pour savoir comment je vais faire 0.2 de plus demain. Maintenant mon objectif est de faire 6, comme il y a 5 ans mon objectif était de faire 3, puis 4, puis 5. Aujourd’hui je travaille à faire 6. A l’évidence les autres radios peuvent travailler pour garder leur niveau d’audience. Nous avons des stratégies diamétralement différentes. L’audience d’une radio repose sur une habitude d’écoute et c’est long à créer, il faut laisser du temps pour le faire. Il n’empêche que c’est rapide chez RMC. En 5 ans, on est passé de 1.9 à 4.9. Cette évolution s’est faite progressivement. Je pense que nous sommes plutôt en train de continuer à construire notre audience parce que notre offre est spécifique. RMC est une radio différente, très originale dans le paysage radiophonique et il faut du temps pour que les gens l’écoute, l’identifie, la trouve, soient séduits et s’y fidélise. Cette équation est longue. On parle d’un indice qui correspond à l’audience veille qui est très réducteur. Sur 3 semaines, 15% des français écoutent RMC régulièrement. Cela veut dire qu’entre une journée et 3 semaines, notre audience fait plus que tripler. RTL, entre une journée et 3 semaines, l’audience ne double pas. C’est ce qu’il faut comprendre. Aujourd’hui, il y a peut-être 4.9% des français qui vont nous écouter, mais il y a 15% des français qui fréquentent RMC régulièrement. Il faut laisser à ces gens là le temps de se fidéliser et d’être là tous les jours.

RA : Est-ce que les résultats à la baisse de RTL, France Inter ou Europe 1 signifie qu’il y a un problème de formats chez ces radios, contrairement à RMC qui a une identité et une façon très spécifique de traiter l’information, le talk et le sport ?
F. L . : Nous avons eu la chance en 2000 de construire un format neuf à partir d’un très beau réseau et d’une très belle marque. Aujourd’hui, nous continuons à écrire l’histoire d’une grande maison. Il n’empêche qu’on est sur une radio qui est neuve. Il y a beaucoup de jeunes qui écoutent Tony Parker sur RMC sans savoir que c’était la radio de Jean-Pierre Foucault. Il y a quand même deux époques maintenant, c’est clair. C’est comme si les jeunes trouvaient le Figaro gratuit dans le métro et trouvaient cela formidable. Bien sûr que nous faisons partis de la même famille, et que historiquement nous avons la même histoire, mais aujourd’hui nous n’avons plus beaucoup de points communs. Les radios aussi ont leur histoire. C’est la fidélité que nous recherchons auprès des gens. L’histoire de RTL ou d’Europe 1 n’est pas du tout la nôtre. Nous faisons partis de la même famille mais à l’évidence, surtout 5 ans après la reprise de RMC, nous n’avons pas du tout la même histoire.

RA : L’écriture radio que vous avez inventée serait donc plus en phase avec l’attente du public ?
F. L . : J’aime bien dire que chaque radio a son histoire. Pendant des années, l’histoire de France Inter n’avait rien à voir avec celle d’Europe 1 ou RTL. Cela ne les empêchait pas d’exister conjointement à Paris avec succès. Aujourd’hui que les trois soient dans un virage, c’est possible. Ce n’est pas à moi de l’analyser. Mais que nous, nous ayons pris un virage important il y a 5 ans et que nous ayons mis un bateau en ligne et qu’il soit toujours en ligne, c’est possible.

RA : Vous parliez des jeunes qui découvrent RMC. Vous indiquez que RMC dépasse Europe 1 sur les moins de 50 ans en terme d’audience. Comment expliquez-vous ces résultats ?
F. L . : Nous sommes devant Europe 1 en audience sur les moins de 50 ans et devant RTL sur les hommes de moins de 50 ans. Cela montre vraiment le coeur de cible de RMC. RMC est la seule à avoir fait un tel parcours, les autres radios ont plutôt tendance à s’accrocher à une audience existante. RMC est la seule radio qui développe une audience propre depuis 5 ans. A l’évidence, cela s’est fait sur les plus jeunes. Cela ne veut pas dire que cela a fait fuir les plus âgés. Si un auditeur sur deux a moins de 50 ans, l’autre en a plus de 50. Le recrutement se fait principalement sur les moins de 50 ans mais RMC est une radio d’information et d’opinion pour adultes.

RA : Quel a été l’impact de la Coupe du Monde sur l’audience de RMC ?
F. L . : RMC c’est d’abord et avant tout l’histoire d’une radio qui est en ligne et qui continue à construire son audience. Je suis très content d’avoir fait 4.9 mais maintenant mon objectif c’est 6. Avec le réseau de diffusion dont nous disposons, cela est tout à fait réalisable. RMC a le sport dans ses gènes. C’est un élément fondateur du nouveau format de la radio depuis 5 ans. La Coupe du Monde de 2002 était déjà un des éléments mémorables du relancement de RMC. Cette année, la Coupe du Monde n’a pesé que pendant 3 semaines dans 13 semaines d’études. Il faut donc relativiser son importance dans le sondage. Bien sûr si je vous donnais les résultats du mois de juin, il y aurait des éléments intéressant à étudier. Mais là en l’occurrence le chiffre public est un chiffre qui intègre pour 3 semaines seulement la Coupe du Monde de Football.

RA : Jean-Paul Cluzel a dit que le succès de RMC vient « de la manière dont elle restitue ce phénomène de société qu’est le sport ». Qu’en pensez-vous ?
F. L . : Des phénomènes de société, il y en a d’autres. Moi par exemple je n’ai rien fait pour la Star Académie. Il y a des phénomènes de société liés à la musique. Ce n’est pas de ma faute si pendant des années les grandes radios ont un peu délaissé le sport. Ce n’est pas de ma faute s’il n’y a aucun réseau national, mis à part Sport FM, qui a pris le sport en considération pour le mettre à la une et pour faire des intégrales. C’est la leçon de la Coupe du Monde. Nous avons présenté tous les matchs. Avant de capter un phénomène de société, nous avons juste rendu service en offrant à tous les français la capacité de suivre l’intégralité de la compétition.

RA : Des changements seront-ils prévus à la rentrée ?
F. L . : Nous continuerons de faire toujours mieux. Il n’y aura pas de réel changement, si ce n’est des changements dans la continuité de notre format.

RA : Où en êtes-vous par rapport à la radio numérique ?
F. L . : Nous n’en sommes qu’à la première étape. Il y a encore beaucoup de travail pour que RMC prenne sa place dans le paysage. A partir de septembre, nous allons apporter des éléments majeurs dans la relation d’une radio avec l’univers de l’Internet. Nous allons positionner RMC en fusion avec Internet. Nous irons plus loin que ce qui a déjà été fait pour le moment. Pour ce qui est de la radio numérique, c’est un débat d’industriels. Dans ce débat là, nous sommes acteurs. Nous y sommes d’autant plus sensibles que nous sommes victimes aujourd’hui victime d’une distribution qui n’est pas totale sur le territoire et que le numérique permettrait.


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