Les Indépendants – Entretien avec Jean-Eric Valli

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RadioActu : Un des résultats étonnants de cette vague, c’est la progression spectaculaire des Indépendants. A quoi attribuez-vous ce succès ?
Jean-Eric Valli : Si on prend les 15 ans et plus, nous avons gagné un million d’auditeurs. Si on prend les 13-14 ans nous avons progressé de 300 000 auditeurs sur cette tranche d’âge, donc même s’il n’y avait pas l’élargissement aux 13-14 ans, Les Indépendants auraient progressé de 700 000 auditeurs d’une vague sur l’autre. Les radios régionales sont populaires et familiales. Même une radio régionale cataloguée jeune ne l’est pas véritablement. Pour expliquer aussi les raisons de cette progression, je pense qu’il y a une certaine nombre de fréquences qui ont été attribuées par le CSA à des radios du GIE. Nous avons aussi fait un travail interne durant les Universités de la Radio où une quarantaine de radios sont passées. L’autre paramètre s’apparente un peu à de l’émulation, une compétition interne qui est un facteur de développement.

RA : Est-ce que l’audience n’est pas aussi tirée vers le haut par des grosses régionales d’une part, et par un retour à la proximité d’autre part ?
JEV : Il y a de toute façon une demande de proximité. A partir du moment où les radios sont plus professionnelles et qu’elles répondent mieux, d’un point technique, à la demande des auditeurs, ça donne un résultat. Mais je ne veux pas tirer de plan sur la comète, car il y a beaucoup de facteurs qui interviennent dans la construction d’une audience. Les radios ont tout même fait un travail et ont pris conscience de certains facteurs. Beaucoup de radios progressent, et pas seulement les grosses radios du GIE. Certaines petites radios ont un fort potentiel de progression.

RA : Comment peut-on définir l’auditeur moyen d’une radio du GIE Les Indépendants ?
JEV : Nous couvrons l’ensemble de la population française. Les radios des Indépendants sont collectivement représentatives, mais pas individuellement. En province, on est obligés de faire des formats plus larges.

RA : Le succès d’NRJ, qui est une radio musicale, peut il inciter certains stations des Indépendants à s’aligner sur un format similaire ?
JEV : Non, car le problème des radios indépendantes qui feraient ça, c’est qu’elles seraient derrière NRJ. Dans beaucoup de départements et de villes, les radios des Indépendants sont loin devant NRJ. NRJ a aujourd’hui un discours qui est normal, il faut qu’ils puissent profiter de leur succès. Mais ils lorsqu’ils disent qu’ils sont première radio de France, cela sous-entend qu’ils sont premiers partout en France, ce qui faux. Il y a aujourd’hui environ une quarantaine de villes où une radio indépendante est devant les radios musicales, voire devant toutes les radios. Nous avons une politique qui ne se catalogue pas à priori. Ce qui fait la force des Indépendants, c’est de s’adapter à chaque fois aux différents endroits où nous sommes en fonction de la compétition qui est sur place.

RA : Même s’il y a une volonté d’expansion de certaines stations à l’intérieur des Indépendants, votre objectif n’est cependant pas de constituer un énième réseau national ?
JEV : Aujourd’hui, nous avons une audience qui est voisine du leader musical, NRJ, mais qui est devant toutes les autres radios musicales nationales. Si on faisait une seule radio nationale musicale avec les Indépendants, je pense que nus serions en dessous de notre audience actuelle, parce que nous perdrions notre capacité d’adaptation et donc de proximité réelle. Et mécaniquement, dans les villes où nous avons plusieurs radios, nous perdrions aussi des auditeurs. Nous sommes dans une logique atypique, et ça le CSA ne le comprend pas. Mais c’est normal, car la France est un pays centralisé où tout est censé se faire depuis Paris, et nous on fait quelque chose qui ne devrait pas exister. Je ferais le parallèle avec l’artisanat, qui fait vivre des millions de gens tous les jours, mais ça on ne le sait pas. Et à côté de ça, il y a des groupes qui licencient des gens par milliers pour gagner plus d’argent.

RA : En résumé, la radio régionale a vraiment toute sa place dans le paysage radiophonique français actuel ?
JEV : Ce que je pense vraiment, et que j’essaie d’expliquer au CSA, c’est qu’il faut atteindre un certain niveau de moyens financiers. Je ne crois pas à la radio locale. Elle est très forte en audience par rapport à son public, mais elle a peu de moyens financiers. Je crois plus à la radio régionale, donc pour moi dans le futur, c’est plutôt un paysage avec des radios régionales et quelques radios multi-villes du type Nova. C’est quelque chose qui me semble porteur car il y a l’équation de proximité avec un public, soit par un format particulier, soit par une zone géographique limitée, et en même temps il y a une équation économique qui fonctionne, car on ne peut pas faire travailler des professionnels pour rien. Je suis contre des radios qui diffusent l’AFP, Sophia, ou pire RFI. Dans un pays comme les Etats-Unis, les radios sont locales, il n’y a pas de réseaux nationaux, à l’exception de quelques syndications.

RA : Le GIE Les Indépendants va atteindre dans les mois qui viennent une taille critique, quels sont aujourd’hui vos perspectives de croissance ?
JEV : Il n’y a plus tellement de radios indépendantes à l’extérieur des Indépendants, donc c’est un problème pour faire un développement externe. Nous comptons beaucoup sur l’application par le CSA de la loi sur le juste équilibre des fréquences, car nous n’avons que 14% des fréquences, face à des groupes qui ont 60% des fréquences à 3 ou 4. Un rééquilibrage vers 25% nous paraîtrait plus légitime, comme pour les associatives par exemple, pour ce qu’elles en font d’ailleurs, je me pose des questions. Ce qui me gêne, c’est l’utilisation que l’on fait des associatives : c’est un alibi. On parle de liberté, mais ça tombe bien, il n’y a pas d’auditeur à l’autre bout. Nous attendons donc une meilleure attribution des fréquences, et puis nous faisons un vrai travail interne d’émulation, mais nous ne nous partageons pas le marché. Au contraire, nous sommes en compétition les uns avec les autres et c’est très sain. C’est ça être moderne.


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